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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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terrasse de la maison, mais ils ont la malchance de ne pas
trouver d’issue. Canal parvient à s’échapper en s’agrippant au toit voisin,
mais Antolín et Gómez Morales sont faits prisonniers, assommés à coups de
crosses et conduits dans un cachot. Ils seront fusillés tous les deux le
lendemain, au petit matin, sur la colline du Príncipe Pío. Parmi les fusillés
figureront également José Lonet Riesco, propriétaire d’une mercerie de la place
Santo Domingo, qui, après s’être battu près de l’esplanade du Palais, est
capturé par un détachement au moment où il s’enfuit par la rue Inquisición, un
pistolet déchargé dans une main et un couteau dans l’autre.
    Plus chanceux est le notaire
ecclésiastique du royaume Antonio Varea, l’un des rares individus de bonne
famille qui luttent aujourd’hui dans les rues de Madrid. Après s’être rendu à
la Puerta del Sol en compagnie de son oncle Claudio Sanz, secrétaire royal,
puis sur l’esplanade du Palais, résolu à se battre, le notaire Varea participe
aux affrontements jusqu’à ce que, poursuivi par des Français qui battent en
retraite, il reçoive, près des Conseils, une balle des grenadiers de la Garde.
Transporté par son oncle et par l’officier inspecteur des Milices don Pedro de
la Cámara à son domicile de la rue Toledo, près des arcades de Panos, il
parvient à s’y réfugier, peut recevoir des soins et il aura la vie sauve.
    D’autres sont moins heureux. Dans
tout le quartier, exaspérés par la mort de leurs camarades, les soldats
impériaux tirent sur tout ce qui bouge et font la chasse aux fuyards. C’est
ainsi que tombent blessés Julián Martín Jiménez, habitant Aranjuez, et le
tisserand de Vigo, âgé de vingt-quatre ans, Pedro Cavano Blanco. Meurent aussi
de la même manière José Rodríguez, laquais du conseiller de Castille don
Antonio Izquierdo : blessé devant la demeure de ses maîtres, dans la rue
de l’Almudena, il tambourine désespérément à la porte ; mais, avant qu’on
ne lui ouvre, il est rattrapé par deux soldats français. L’un lui assène un
coup de sabre à la tête et l’autre l’achève d’une balle de pistolet dans la
poitrine. Dans la même rue, à peu de distance de là, un enfant de douze ans,
Manuel Núñez Gascón, qui a lancé des pierres et tente d’échapper à la poursuite
d’un Français, meurt sous les coups de baïonnettes, devant les yeux épouvantés
de sa mère qui assiste à la scène du haut de son balcon.
    De l’autre côté de l’Almudena,
réfugié sous un porche voisin de la place des Conseils avec son serviteur
Olmos, Joaquín Fernández de Córdoba, marquis de Malpica, voit passer au galop
plusieurs éclaireurs de l’armée impériale qui viennent de la place Doña María
de Aragón. Son expérience militaire lui permet de se faire une idée
approximative de la situation. La ville a cinq portes principales, et toutes
les avenues qui viennent de celles-ci convergent vers la Puerta del Sol à la
manière des rayons d’une roue. Madrid n’est pas une place fortifiée, et aucune
résistance n’est possible si le moyeu de cette roue et ses rayons sont
contrôlés par l’adversaire. Le marquis de Malpica sait où campent les forces
ennemies à l’extérieur de la cité – au point où il en est, il doit considérer
les Français comme des ennemis –, et il peut prévoir leurs mouvements pour
étouffer l’insurrection ; les portes de la ville et les grandes artères seront
leur premier objectif. Observant les groupes de civils mal armés qui courent en
désordre de tous côtés, sans préparation ni chefs, le marquis de Malpica
conclut que la seule manière de s’opposer aux Français est de les harceler aux
portes mêmes, avant que leurs colonnes n’envahissent les grandes artères.
    — La cavalerie, Olmos !
Elle est la clef de tout… Tu comprends ?
    — Non, mais ça ne fait rien.
Que Monsieur ordonne, et ça me suffit.
    Quittant le porche, Malpica arrête
une troupe d’habitants qui bat en retraite : il connaît de vue l’homme qui
les mène. C’est un valet d’écurie du Palais, qui le reconnaît à son tour et ôte
son bonnet. Il porte une escopette, sa cape pliée sur l’épaule, et il est suivi
d’une demi-douzaine d’hommes, d’un jeune garçon et d’une femme en tablier qui
tient à la main une hache de boucher.
    — Ils nous ont mitraillés,
monsieur le marquis. C’est impossible de s’approcher de la place… Les gens

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