Un long chemin vers la liberte
: « Je te l ’ avais bien dit. » J ’ ai continué à faire de grands efforts et j ’ étais couvert de sueur mais, ne voulant pas reconnaître ma défaite, j ’ ai attrapé la chose infernale avec les mains. Je n ’ ai pas mangé beaucoup de poulet lors de ce déjeuner.
Ensuite, la sœur aînée a dit à la plus jeune : « Tu gâcherais ta vie si tu tombais amoureuse d ’ un garçon aussi arriéré », mais je suis heureux de dire que la jeune personne n ’ a pas écouté – elle m ’ aimait, même arriéré. En fin de compte, nous avons bien sûr suivi des chemins différents. Elle alla dans une autre école et devint institutrice. Nous avons correspondu pendant quelques années puis j ’ ai perdu sa trace, mais à ce moment-là j ’ avais considérablement amélioré mes manières à table.
4
En janvier 1934, alors que j ’ avais seize ans, le régent décida qu ’ il était temps que je devienne un homme. Dans la tradition xhosa, on n ’ y parvient que d ’ une seule façon : la circoncision. Dans ma tradition, un homme non circoncis ne peut hériter de la richesse de son père, ni se marier, ni officier dans les rituels tribaux. Un Xhosa non circoncis est une contradiction dans les termes car il n ’ est pas du tout considéré comme un homme mais comme un enfant. Pour les Xhosas, la circoncision représente l ’ incorporation formelle des hommes dans la société. Ce n ’ est pas seulement un acte chirurgical, mais un rituel long et élaboré de préparation à l ’ âge adulte. En tant que Xhosa, je compte mon âge d ’ homme à partir de ma circoncision.
La cérémonie traditionnelle de l ’ école de circoncision fut principalement organisée pour Justice. Les autres – vingt-six en tout – étaient là surtout pour lui tenir compagnie. Au début de la nouvelle année, nous sommes allés jusqu ’ à deux huttes de paille dans une vallée retirée au bord de la rivière Mbashe, connue sous le nom de Tyhalarha, le lieu traditionnel de circoncision des rois thembus. Il s ’ agissait de huttes de retraite où nous devions vivre isolés de la société. C ’ était une période sacrée ; j ’ étais heureux et comblé de prendre part à une coutume de mon peuple et prêt au passage de l ’ enfance à l ’ âge adulte.
Nous nous étions installés à Tyhalarha, au bord de la rivière, quelques jours avant la cérémonie de circoncision elle-même. J ’ ai passé ces derniers jours d ’ enfance avec les autres initiés et j ’ ai beaucoup aimé notre camaraderie. Les huttes se trouvaient près de chez Banabakhe Blayi, le garçon le plus riche et le plus populaire de l ’ école de circoncision. C ’ était un compagnon attachant, un champion de combat au bâton et un séducteur dont les nombreuses petites amies nous fournissaient des friandises. Il ne savait ni lire ni écrire mais c ’ était un des plus intelligents du groupe. Il nous racontait ses voyages à Johannesburg, un endroit où aucun de nous n ’ était jamais allé. Il nous faisait tellement vibrer avec des histoires sur les mines qu ’ il m ’ a presque persuadé que devenir mineur était plus alléchant que devenir monarque. Les mineurs avaient une mystique ; être mineur signifiait être fort et audacieux : l ’ idéal de l ’ homme adulte. Beaucoup plus tard, je me suis rendu compte que c ’ était les histoires exagérées par des garçons comme Banabakhe qui entraînaient tant de jeunes à se sauver pour aller travailler dans les mines de Johannesburg où ils perdaient souvent leur santé et leur vie. A cette époque, travailler dans les mines était un rite de passage presque équivalent à l ’ école de circoncision, un mythe qui aidait plus les propriétaires des mines que mon peuple.
Une des coutumes de la circoncision veut qu ’ on réalise un exploit audacieux avant la cérémonie. Autrefois, cela pouvait être un vol de bétail ou même une bataille, mais à notre époque les exploits étaient plus malfaisants que martiaux. Deux nuits avant notre arrivée à Tyhalarha, nous avons décidé de voler un porc. A Mqhekezweni, un homme de la tribu possédait un vieux cochon rouspéteur. Pour ne pas faire de bruit et ne pas donner l ’ alerte, nous nous sommes arrangés pour que le cochon fasse le travail à notre place. Nous avons pris des poignées de résidus de bière africaine artisanale, qui avaient une très forte odeur et que les cochons aimaient beaucoup
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