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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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et nous en avons semé pour attirer l ’ animal. Le cochon était tellement excité par l ’ odeur qu ’ il a réussi à se sauver de son kraal et il a suivi la trace lentement jusqu ’ à nous, en soufflant, en grognant, et en mangeant les résidus. Quand il est arrivé, nous l ’ avons attrapé, mis à mort, puis nous avons fait un grand feu et nous l ’ avons fait rôtir sous les étoiles. Aucun morceau de porc ne m ’ a jamais semblé aussi bon, ni avant ni depuis.
    La nuit qui a précédé la circoncision, il y eut une cérémonie près de nos huttes avec des chants et des danses. Des femmes sont venues des villages voisins et nous avons dansé tandis qu ’ elles chantaient en battant des mains. Alors que la musique devenait plus rapide et plus forte, notre danse est devenue plus frénétique et, pendant un moment, nous avons oublié ce qui nous attendait.
    A l ’ aube, alors que toutes les étoiles brillaient encore dans le ciel, nous avons entamé les préparatifs. On nous a escortés jusqu ’ à la rivière pour prendre un bain dans l ’ eau très froide, un rituel de purification avant la cérémonie. Elle avait lieu à midi, et on nous a donné l ’ ordre de nous mettre sur une file dans une clairière à quelque distance de la rivière où se trouvait la foule de nos parents, y compris le régent, ainsi que des chefs et des conseillers. Nous ne portions qu ’ une couverture et quand la cérémonie a commencé et que les tambours ont résonné, on nous a demandé de nous asseoir sur une couverture posée sur le sol, les jambes étendues devant nous. J ’ étais inquiet et incertain de la façon dont je réagirais au moment critique. Sursauter ou pleurer était un signe de faiblesse et entachait le passage à l ’ âge adulte. J ’ avais décidé de ne déshonorer ni le groupe, ni mon tuteur, ni moi. La circoncision est une épreuve de courage et de stoïcisme   ; on n ’ utilise aucun anesthésique   ; un homme doit souffrir en silence.
    A ma droite, du coin de l ’ œil, j ’ ai vu un homme âgé sortir d ’ une tente et s ’ agenouiller devant le premier garçon. Il y eut de l ’ agitation dans la foule, et j ’ ai légèrement frissonné en sachant que le rituel allait commencer. Le vieil homme était un célèbre ingcibi, un spécialiste de la circoncision, venu du Gcalekaland, qui se servait de sa sagaie pour nous transformer d ’ un seul coup d ’ enfants en hommes.
    Brusquement, j ’ ai entendu le premier garçon crier   : « Ndiyindoda   ! » (Je suis un homme   !), les mots qu ’ on nous avait appris à dire au moment de la circoncision. Quelques secondes plus tard, j ’ ai entendu la voix étranglée de Justice qui criait la même phrase. Il restait deux garçons avant que l ’ ingcibi arrive à moi, mais mon esprit a dû avoir un passage à vide parce que, avant que je m ’ en rende compte, le vieil homme était agenouillé devant moi. Je l ’ ai regardé droit dans les yeux. Il était pâle, et malgré la fraîcheur de la journée, la sueur faisait briller son visage. Ses mains allaient si vite qu ’ elles semblaient contrôlées par une force d ’ un autre monde. Sans un mot, il a pris mon prépuce, il l ’ a tiré et d ’ un seul geste il a abattu sa sagaie. J ’ ai eu l ’ impression que du feu se répandait dans mes veines   ; la douleur était si violente que j ’ ai enfoncé le menton dans la poitrine. De nombreuses secondes ont passé avant que je me souvienne du cri, puis j ’ ai retrouvé mes esprits et j ’ ai hurlé   : «  Ndiyindoda   ! »
    J ’ ai baissé les yeux et j ’ ai vu une coupure parfaite, propre et ronde comme une bague. Mais j ’ ai eu honte parce que les autres garçons m ’ avaient semblé beaucoup plus forts et plus fermes que moi   ; ils avaient crié plus rapidement. J ’ étais désespéré parce que la douleur m ’ avait réduit à l ’ impuissance, même brièvement, et je fis de mon mieux pour dissimuler mon angoisse. Un enfant peut pleurer   ; un homme cache sa douleur.
    J ’ avais franchi la principale étape de la vie de chaque homme xhosa. Maintenant, je pouvais me marier, fonder un foyer, et labourer mon champ. Je pouvais être admis dans les conseils de ma communauté   ; on prendrait mes paroles au sérieux. Au cours de la cérémonie, on m ’ a donné mon nom de circoncision, Dalibunga, qui signifie « Fondateur du Bungha   », l ’ organe dirigeant traditionnel du Transkei. Pour les

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