Un long chemin vers la liberte
étaient zouloues. Je leur ai demandé de déposer les armes et de se serrer la main pour faire la paix : « Jetez vos fusils, vos couteaux et vos pangas dans la mer ! Fermez vos usines de mort ! Arrêtez cette guerre tout de suite ! » Mais mon appel n’a pas été entendu. Les combats et les massacres ont continué.
La situation me préoccupait tant que j’étais prêt à aller très loin pour rencontrer le chef Buthelezi. En mars, après un déchaînement de violence particulièrement horrible, j’ai annoncé seul que je rencontrerais le chef Buthelezi dans un hameau de montagne près de Pietermaritzburg. Sur le plan personnel, nous avions des relations proches et respectueuses, et j’espérais qu’elles me serviraient. Mais j’ai découvert qu’une telle visite était comme une malédiction pour les responsables de l’ANC du Natal. Ils la considéraient comme dangereuse et ils y ont opposé leur veto. Je suis allé à Pietermariztburg, où j’ai vu les dépouilles fumantes de partisans de l’ANC ; j’ai essayé de consoler leurs familles, mais je n’ai pas rencontré le chef Buthelezi.
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En mars, après de longues négociations dans les deux camps, nous avons fixé notre première rencontre avec Mr. De Klerk et le gouvernement. Il y aurait des « pourparlers sur les pourparlers » et les réunions devaient commencer début avril. Mais le 26 mars, dans le township de Sebokeng, à une quarantaine de kilomètres au sud de Johannesburg, la police a ouvert le feu sans sommations sur une foule de manifestants de l ’ ANC, tuant douze personnes et en blessant des centaines. La police avait tiré à balles réelles contre des manifestants, ce qui était intolérable. En outre, les policiers affirmaient que leur vie était en danger, alors que beaucoup de manifestants avaient été touchés dans le dos et n ’ avaient pas d ’ armes. On ne peut pas être menacé par un homme sans armes qui se sauve. Le droit de se réunir et de manifester pour soutenir de justes revendications n ’ était pas une faveur accordée par le gouvernement. Ce genre d ’ action avait la vertu de me mettre en colère et j ’ ai dit à la presse que chaque policier blanc d ’ Afrique du Sud considérait chaque Noir comme une cible militaire. Après avoir consulté le NEC, j ’ ai annoncé la suspension des pourparlers et averti Mr. De Klerk qu ’ il ne pouvait pas « parler de négociations d ’ un côté et tuer notre peuple de l ’ autre ».
Pourtant, malgré la suspension des pourparlers officiels, avec l’approbation de la direction de l’ANC, j’ai rencontré secrètement Mr. De Klerk au Cap afin de relancer le processus de négociations. Nos discussions ont porté essentiellement sur une nouvelle date et nous nous sommes mis d’accord sur début mai. J’ai posé la question du comportement inadmissible de la police à Sebokeng et du traitement inégal des Noirs et des Blancs ; la police tirait à balles réelles sur les manifestants noirs alors qu’elle n’utilisait jamais de fusils contre les manifestants blancs de droite.
Le gouvernement n’était pas du tout pressé d’entamer des négociations ; il attendait que retombe l’euphorie qui avait accompagné ma libération. Il voulait que le temps me fasse faire des faux pas et montre que l’ancien prisonnier salué comme un sauveur était un homme hautement faillible qui avait perdu tout contact avec la situation présente.
Malgré ses actions positives, Mr. De Klerk n’était absolument pas un émancipateur, mais un pragmatiste prudent. En réalisant ses réformes, il n’avait absolument pas l’intention de quitter le pouvoir. C’était même tout à fait l’inverse : il voulait assurer le pouvoir des Afrikaners dans un autre type d’organisation. Il n’était pas encore prêt à négocier la fin de la domination blanche.
Il avait comme objectif de créer un système de partage du pouvoir fondé sur les droits des minorités qui préserverait une forme de pouvoir minoritaire en Afrique du Sud. Il était résolument opposé à la loi de la majorité, ou le « simple majoritarisme » comme il l’appelait parfois, parce que cela aurait mis brutalement fin à la domination blanche. Nous avons su dès le début que le gouvernement était farouchement contre un système parlementaire majoritaire à l’anglaise dans lequel « le vainqueur exerce tout le pouvoir », et il défendait à la place un système
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