Un long chemin vers la liberte
Buthelezi descendait du grand roi zoulou Cetywayo, qui avait vaincu les Britanniques à la bataille d ’ Isandhlwana en 1879. Autrefois, il avait été étudiant à Fort Hare et avait rejoint la Ligue de la jeunesse de l ’ ANC. Je l ’ avais considéré comme un des jeunes responsables montants du mouvement. Il était devenu Premier ministre du homeland du KwaZulu avec le soutien tacite de l ’ ANC et l ’ organisation ne s ’ était pas opposée au lancement de l ’ Inkatha, mouvement de culture zouloue. Mais au cours des années, le chef Buthelezi s ’ éloigna de l ’ ANC. S ’ il s ’ opposait résolument à l ’ apartheid et refusait que le KwaZulu devienne un homeland « indépendant », comme le souhaitait le gouvernement, il n ’ en était pas moins une épine dans le flanc du mouvement de libération. Il s ’ opposait à la lutte armée. Il critiquait le soulèvement de Soweto de 1976. Il faisait campagne contre les sanctions internationales. Il refusait l ’ idée d ’ une Afrique du Sud unitaire. Il n ’ en avait pas moins réclamé continuellement ma libération en repoussant toute négociation avec le gouvernement tant que les prisonniers politiques, dont moi-même, seraient en prison.
Le chef Buthelezi est l’une des premières personnes à qui j’ai téléphoné après ma libération pour le remercier de son soutien constant. J’avais envie de le rencontrer le plus vite possible afin d’essayer de résoudre nos divergences. J’en ai fait la proposition au cours de mon premier voyage à Lusaka, et un vote m’a donné tort. Quand j’étais à Victor Verster, Walter avait été invité par le roi zoulou Goodwill Zwelithini, à Ulundi, capitale du KwaZulu, et je l’avais poussé à accepter. Je pensais que c’était une excellente occasion d’influencer le chef d’une des familles royales les plus respectées et les plus puissantes du pays. Le NEC avait approuvé la visite en hésitant, à condition que Walter aille au palais du roi à Nongoma ; on pensait que se rendre à Ulundi équivaudrait à une reconnaissance de l’autorité du homeland.
Quand je suis revenu de Lusaka, j’ai téléphoné au chef Buthelezi et au roi, et je leur ai expliqué que Walter viendrait voir le roi à Nongoma et non à Ulundi. Le roi m’a répondu qu’il n’accepterait pas que Walter vienne le voir ailleurs que dans sa capitale. « Je suis le roi, a-t-il dit. Je l’ai invité à venir me voir à Ulundi et il n’a pas le droit de dire : je vous verrai ailleurs. — Votre Majesté, lui ai-je répondu, nos adhérents ne veulent absolument pas que Mr. Sisulu aille au KwaZulu. Nous avons essayé de faire approuver ce compromis, vous pouvez bien vous y soumettre vous aussi. » Mais il ne le pouvait pas et il a refusé de voir Walter.
Ensuite, les relations se sont détériorées et, en mai, j’ai persuadé l’ANC de la nécessité pour moi de rendre visite au roi et à Buthelezi. Le roi a approuvé, mais une semaine environ avant la date prévue pour ma visite il m’a envoyé une lettre me disant de venir seul. Ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, et le NEC a refusé d’accepter une telle exigence. J’ai dit au roi que je ne viendrais pas si je n’étais pas accompagné de mes collègues ; le roi a considéré cela comme un nouvel affront et a annulé la visite.
J’avais comme but d’établir une relation indépendante avec le roi, séparée de ma relation avec le chef Buthelezi. Le roi était le véritable dirigeant héréditaire des Zoulous, qui l’aimaient et le respectaient. La fidélité au roi était un sentiment beaucoup plus répandu au KwaZulu que l’allégeance à l’Inkatha.
En attendant, on s’entre-tuait au Natal. Les partisans de l’Inkatha, armés jusqu’aux dents, avaient déclaré une véritable guerre aux forteresses de l’ANC dans les régions du centre du Natal et autour de Pietermaritzburg. Des villages entiers étaient incendiés, des dizaines de personnes tuées, des centaines blessées et des milliers devenaient des réfugiés. Rien qu’en mars 1990, 230 personnes perdirent la vie dans cette violence meurtrière. Au Natal, les Zoulous massacraient les Zoulous, car les membres de l’Inkatha et les partisans de l’ANC étaient zoulous. En février, deux semaines seulement après ma libération, je suis allé à Durban pour m’adresser à une foule de plus de 100 000 personnes à King’s Park ; presque toutes
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