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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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parlé très gentiment à
Philémon, hier soir.
    La place à côté de Gwenda était occupée par une famille de
paysans prospères du même village qu’elle. Samuel, le père, avait en métayage
de grandes terres. L’accompagnaient sa femme et ses deux fils. Le plus jeune,
Wulfric, qui avait six ans, ne trouvait rien de plus drôle au monde que de
lancer des glands sur les filles et de courir ensuite se cacher.
    La famille de Gwenda n’était pas riche. Son père ne
possédait pas le moindre lopin de terre ; il louait ses services à la
journée à qui voulait bien l’engager. En été, le travail ne manquait pas mais,
après la moisson, à l’arrivée des frimas, la famille souffrait souvent de la
faim.
    Et pour survivre Gwenda était obligée de voler.
    Elle imaginait souvent le jour où elle se ferait prendre la
main dans le sac : une forte poigne retiendrait son bras et elle aurait
beau se tortiller en tous sens, elle ne parviendrait pas à s’échapper. Une voix
profonde s’exclamerait alors avec une joie cruelle : « Ah, ah !
Je te tiens, petite voleuse ! » Quelle douleur et quelle humiliation
ce serait que d’être flagellée ! Et ce ne serait rien comparé au supplice
d’avoir la main coupée !
    Son père avait connu ce châtiment ; son bras gauche se
terminait par un affreux moignon. Oh, cela ne le gênait pas pour manier la
pelle, seller un cheval ou même fabriquer des filets pour attraper les
oiseaux ; mais il était toujours le dernier journalier à être engagé au
printemps et le premier à être congédié à l’automne. Cette amputation qui le
désignait comme voleur l’empêchait de quitter son village pour trouver du
travail ailleurs : personne ne voulait l’embaucher. C’est pourquoi, quand
il partait en voyage, il attachait à son moignon un gant bourré de son – pour
éviter d’être tenu à l’écart. Son leurre, hélas, ne trompait personne.
    Gwenda n’avait pas assisté au châtiment de son père, n’étant
pas encore née à l’époque. Cependant, elle s’était souvent représenté la scène
et elle se voyait maintenant la subissant à son tour. Elle voyait au ralenti la
hache s’abaisser vers son poignet, le fer affûté trancher sa peau et ses os,
séparant sa main de son bras d’une façon si définitive qu’il n’y aurait pas
moyen de les recoudre ensemble. Quand ce tableau se formait dans son esprit,
elle gardait toujours les dents serrées très fort pour s’empêcher de hurler.
    Dans l’assistance, les gens s’étiraient et bâillaient, se
frottaient le visage. Gwenda se leva et secoua ses vêtements. Tout ce qu’elle
portait sur elle en ce moment lui venait de son frère – la chemise de laine qui
lui descendait jusqu’aux genoux, de même que la tunique qu’elle enfilait
par-dessus et serrait à la taille avec une corde de chanvre. Ses chaussures
avaient eu des lacets autrefois, mais ils étaient perdus et les œillets étaient
déchirés. Voilà pourquoi elle attachait ses savates à l’aide d’une tresse de
paille. Ayant fourré ses cheveux sous un bonnet en queues d’écureuil, elle
jugea sa toilette achevée.
    Elle croisa le regard de son père. Celui-ci lui désignait
furtivement une famille de l’autre côté de la travée : c’était un couple
d’âge moyen accompagné de deux garçons plus âgés qu’elle. Le père, de petite
taille et chétif, avait une barbe rousse frisée. Il était en train de boucler
un ceinturon auquel était pendue une épée. C’était donc un homme d’armes, voire
un chevalier, car le bas peuple n’était pas autorisé à porter l’épée. Son
épouse, une femme maigre et brusque, n’offrait pas un visage avenant. Frère
Godwyn les saluait d’une inclinaison de la tête empreinte de respect.
« Bonjour, sieur Gérald et dame Maud. »
    Gwenda repéra l’objet qui avait attiré l’attention de son
père : la bourse suspendue par un lien de cuir à la ceinture de sieur
Gérald – une bourse rebondie qui devait certainement contenir plusieurs
centaines de ces pièces de cuivre et de ces piécettes d’argent d’un penny et
d’un demi-penny qui avaient cours en Angleterre, l’équivalent de ce que Pa
gagnait en toute une année quand il arrivait à se faire embaucher. Autrement
dit, largement de quoi nourrir toute la famille jusqu’aux labours du printemps.
Qui sait ? Cette bourse contenait peut-être aussi des pièces d’or
étrangères, des florins de Florence ou des ducats de

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