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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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hypocrite des puritains bostoniens faisait encore écran au scandale.
     
    Un matin d'août, radieux, alors que ciel et mer composaient un camaïeu de bleus dont Susan avait vainement tenté de capturer les nuances dans ses aquarelles, le Phoenix II prit le large. Paulina avait accepté de faire la traversée pour s'occuper de Martha, blonde et gazouillante fillette d'un an, marcheuse précoce, toujours prête à s'échapper. L'Italienne reviendrait à Soledad avec lord Pacal.
     
    Susan, qui souhaitait donner à sa fille une nurse anglaise, se dit satisfaite du choix de la nourrice, qui n'eût pu tenir une fonction d'éducatrice.
     
    – Ainsi, je n'aurai pas à congédier cette femme, au regard insolent. Elle refusait les menus, ordonnés par le docteur Barrett, pour qu'elle produisît un bon lait digeste, précisa Susan.
     
    – Notre fille est en excellente santé. Paulina a donc bien rempli ses devoirs, constata sèchement Pacal.
     
    – Certes, mais j'ai dû lui interdire de parler italien à Martha et de lui chanter des berceuses de son pays. Vous imaginez ma fille m'appelant mamma mia  ! Maintenant, nous n'avons plus besoin d'elle. Qu'elle aille où bon lui semble, conclut Susan.
     
    Fanny, truculente épouse d'Andrew Cunnings, avait embarqué avec son mari, comme Myra Maitland, femme du commandant. Embarrassé mais courtois, Pacal n'avait pu s'opposer au désir de Fanny « d'aller mettre de l'ordre dans ses affaires à Boston » et, partant, refuser à John Maitland d'être, comme son second, accompagné de son épouse.
     
    Tom O'Graney, dont toison et barbe rousses viraient, avec l'âge, à la couleur chanvre, estima qu'il y avait trop de dames à bord.
     
    – Au temps de lord Simon, nous n'aurions jamais embarqué cinq femmes, my lord . Quand les dames sont nombreuses, il s'en trouve toujours une pour créer des complications, bougonna-t-il.
     
    – Si des complications devaient survenir, du fait d'une dame, le commandant saurait y trouver solution, lieutenant.
     
    – Ce que j'en dis, my lord , c'est qu'en cas de gros temps nous aurons des malades. Les dames sont pas amarinées. Dès que ça roule et que ça tangue, elles ont le cœur au bord des lèvres, insista Tom.
     
    – Uncle Dave leur donnera ses soins, lieutenant.
     
    – Ah ! vous connaissez ses médecines. Le gin au citron, c'est pas un remède de ladies, my lord  !
     

    Éole et Neptune, occupés à fomenter des tempêtes dans la mer des Caraïbes, oublièrent les Bahamas et firent de la navigation du Phoenix II , entre Soledad et Boston, la plus sereine que le navire eût connue. Uncle Dave, qui célébra en mer ses quatre-vingt-deux ans, vit, dans cette clémence des dieux marins, une attention personnelle solennisant ce qu'il avait affirmé être sa dernière croisière. Le médecin n'eut pas à intervenir auprès des dames et, quand le yacht s'amarra dans le port de Boston, Tom O'Graney, prenant congé des passagères, les félicita pour leur bonne tenue à la mer.
     
    Dès son arrivée en ville, lord Pacal découvrit sa résidence américaine, dans l'aménagement de laquelle il n'avait eu aucune part. Aussi, connut-il l'étrange sensation d'être en visite chez sa femme. Il lui serait difficile de vivre, à l'aise, dans un décor convenu, où les meubles, les objets, et même les roses, alanguies dans les vases, prenaient un air compassé.
     
    Sacrifiant au conformisme hypocrite qui, tant lui déplaisait, il dut cependant adresser des remerciements à tante Maguy, auteur de cette mise en scène domestique. Comme aucune passion n'animait plus son intimité avec Susan, il s'accommoda de la situation, après avoir fait modifier la disposition des meubles, dans le cabinet de travail dévolu au maître de maison, belle pièce à bow-window sans autre vis-à-vis que la rive opposée de la Charles River.
     
    Prétextant des affaires à traiter avec les représentants des intérêts Cornfield, le mari de Susan s'absentait plusieurs heures, chaque jour, laissant sa femme recevoir ses amies, lors de thés babillards, fort courus depuis que The Globe avait annoncé la présence de Susan Desteyrac-Cornfield, née Buchanan, dans sa nouvelle résidence de Beacon Hill, « aménagée avec un goût exquis », précisait le chroniqueur, qui n'avait pas visité les lieux.
     
    Lord Pacal vécut, durant trois semaines, le rituel social des patriciens de Nouvelle-Angleterre. En l'absence de rapports fondés sur une vraie

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