Un paradis perdu

Baïhaut.
     
    10 Le 27 février 1973, deux cents membres de l' American Indian Movement ( AIM ) investirent le hameau commerçant de Wonded Knee et s'y enfermèrent en réclamant l'indépendance de la nation Sioux, une renégociation de tous les traités passés entre le gouvernement américain et les Indiens et une enquête du Sénat sur les traitements infligés aux Indiens en général. Assiégés par la police, ils résistèrent pendant soixante et onze jours et ne se rendirent, le 8 mai, qu'après avoir obtenu l'assurance de l'ouverture rapide de négociations loyales. Au cours du siège, deux indiens avaient été tués et un federal marshal grièvement blessé.
     
    11 Cache-théière.
     
    12 Les piles ne délivrant qu'un courant peu puissant, et pendant peu de temps, Clément Ader abandonna bientôt l'électricité comme moyen de propulsion.
     

3.
     
    Le dernier tournoi de polo de la saison 1891 fut organisé en juin, à Nassau. Au premier jour de l'été, lord Pacal et Andrew Cunnings, les meilleurs joueurs de l'équipe des Out Islands, quittèrent Soledad, à bord de l' Arawak . Susan et sa tante Fanny furent conviées à les accompagner.
     
    Les rencontres de polo étaient devenues, au fil des années, un événement aussi mondain que sportif. Dans les tribunes, et au cours des réceptions qui suivaient les matches, les notables des îles extérieures rencontraient, hors de leur bureau, des membres du gouvernement, des élus et les fonctionnaires du Colonial Office, à qui les propriétaires avaient toujours quelque doléance à exprimer ou faveur à demander. C'était, pour les élégantes, l'occasion d'exhiber leurs toilettes d'été, pour les esseulées, l'espérance d'une invitation, pour les mères, l'opportunité de présenter aux célibataires – officiers de la Navy en escale, fils de négociants fortunés, jeunes touristes américains – les filles à marier.
     
    Quand les gens de Soledad s'installèrent au Royal Victoria Hotel, trois jours avant le premier match, le directeur, accueillant lord Pacal, avec les mêmes égards dus autrefois à son grand-père, signala avec fierté la présence de deux personnalités anglaises.
     
    – Nous avons dans nos murs, depuis le 25 mai, MM. Austen et Neville Chamberlain, fils de deux mariages de Joseph Chamberlain, ancien maire de Birmingham, qui fut ministre du Commerce dans le gouvernement de William Gladstone. L'aîné, Austen Chamberlain, militant libéral unionist, briguera, l'an prochain, un siège à la chambre des Communes, mais son demi-frère, Neville Chamberlain 1 , qui n'a que vingt-deux ans, va nous rester, car son père vient d'acquérir quatre mille acres 2 sur Andros Island, à seize miles de Fresh Creek. Les Chamberlain veulent établir à Twin Lake une plantation de sisal et Neville en sera le gérant, confia le directeur.
     
    Dès le lendemain, le fondé de pouvoir des Cornfield à Nassau compléta l'information de lord Pacal. Il lui rappela d'abord que Joseph Chamberlain, homme politique fort ambitieux, s'était séparé, en 1886, du Premier ministre libéral, William Gladstone, à la suite d'un désaccord sur l'Irlande, et avait aussitôt rejoint les dissidents libéraux unionistes, proches des conservateurs, qui n'acceptaient pas que l'Irlande pût un jour se séparer du Royaume-Uni. Enrichi par la fabrique de vis familiale, à Birmingham, le politicien avait perdu récemment une partie de ses avoirs dans des spéculations hasardeuses, en Argentine.
     
    – Il se prépare à investir cinquante mille livres sterling à Andros en espérant que le sisal 3 , dont la culture, fort rentable, est vivement encouragée par notre gouverneur, sir Ambrose Shea, lui permettra de restaurer sa fortune, expliqua le courtier.
     
    – Le jeune Neville est-il capable de gérer une plantation ? demanda lord Pacal.
     
    – Je sais qu'il envisage de planter six mille pieds d'agave qui, dans trois ans, devraient produire le sisal qu'on extraira sur place, dans des moulins. Il doit embaucher, à Andros, au moins cinq cents ouvriers. Mais je doute un peu des compétences de Neville Chamberlain. Il a étudié la métallurgie et les sciences à l'université de Birmingham, avant de travailler dans un cabinet d'experts-comptables. Rien, en somme, qui prépare à l'agriculture, observa l'homme d'affaires.
     
    Pacal, dont un ami cultivait l'agave à San Salvador, savait à quoi s'en tenir sur la rentabilité du sisal. Son prix de revient