Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
soulagé, il saisit la main de Pacal, ferma les yeux, prit une large inspiration, de quoi réussir son dernier soupir et, l'heure étant venue, glissa dans le néant.
     
    Pacal posa la main inerte sur le drap et appela Luc Ramírez, posté sur la galerie.
     
    – Pour lui, n'existait ni Dieu ni diable. Il ne croyait pas plus à l'âme qu'à l'après-mort. Il disait, comme Charles Darwin, que l'homme n'est qu'un singe évolué, qui vient de nulle part et y retourne. Admirable et désespérante certitude, commenta le fils de Paul Taval, catholique romain comme son père.
     
    Deux jours plus tard, à l'aube, cousu dans un linceul fait de toile à voile et lesté d'une gueuse de fonte, Uncle Dave embarqua pour sa dernière croisière sur le Phoenix II , commandé pour la circonstance par son vieil ami Lewis Colson. Ses marins portant un crêpe au bras, le yacht fit le tour de l'île, Union Jack déployée à mi-mât, pavillon Cornfield cravaté de noir, en donnant de la corne de brume. Du rivage, la population de Soledad suivit en silence le circuit du vapeur, tandis que les Arawak l'accompagnaient, trottant sur les berges en tirant de leurs tambours en peau de chèvre des roulements funèbres.
     
    À dix milles de l'île, Colson mit le navire en panne et, face au soleil levant, le corps d'Uncle Dave fut placé sur une planche que Tom O'Graney, la barbe humide de larmes, ne laissa à personne le soin de basculer. L'Océan aux sillons frémissants, tel un père d'enfant prodigue, accueillit la dépouille emmaillotée de l'Écossais David Kermor, dit Uncle Dave.
     
    Lewis Colson commanda une salve d'honneur et le yacht regagna Soledad. Comme le pasteur Russell, interdit d'office des morts par lord Pacal, beaucoup, pendant ces funérailles, avaient prié en silence pour le salut d'un incroyant au grand cœur.
     

    En décembre, un paquebot de la Ward Line porta lord Pacal, en trois jours, de Nassau à New York, où le reçut Thomas Artcliff. Peu pressé de se rendre à Boston, le Bahamien fit, avec son ami, une cure de théâtre et de musique. Dans la ville en pleine expansion, on commentait encore l'élection, pour la seconde fois à la présidence des États-Unis, de Grover Cleveland. Le démocrate avait battu le républicain, Benjamin Harrison, président sortant, qui s'était représenté.
     
    – Tout le monde croyait la carrière politique de Cleveland terminée. Il avait même repris la pratique du droit. Il nous avait dit, lors d'un banquet à Tammany Hall : « Nous n'avons pas trompé le peuple par de fausses promesses et de faux arguments. Nous savons aussi que nous n'avons pas corrompu ni trahi le pauvre avec l'argent du riche. » Eh bien, la convention démocrate s'en est souvenue, quand nous l'avons désigné comme candidat ; et les électeurs aussi, s'en sont souvenus. Son élection, pour un second mandat, est une bonne chose. Tous espèrent que les affaires vont reprendre. Les grèves violentes des ouvriers des aciéries de Pittsburgh, en juillet, quand Andrew Carnegie a refusé de reconnaître les unions ouvrières et décrété le lock-out, avaient rendu les entrepreneurs méfiants. Deux grévistes avaient été tués, ainsi que sept gardes de ce qu'on a appelé l'armée des non-syndiqués. Il a fallu l'intervention de la garde nationale de Pennsylvanie pour restaurer l'ordre.
     
    – Mauvaise affaire pour les républicains, bien sûr, d'où l'élection de Cleveland, commenta Pacal.
     
    – Naturellement, un million de mécontents ont préféré donner leur suffrage au nouveau People's Party, celui des populistes. Ces gens veulent nationaliser les chemins de fer, instaurer un impôt progressif sur le revenu, rendre libre et illimitée la frappe de l'argent, élire les sénateurs au suffrage universel et autres mesures révolutionnaires mais irréalistes, développa Thomas Artcliff, membre actif du parti démocrate.
     
    – Aux Bahamas, nous craignons que vos déboires financiers – on dit que les États-Unis vivent à crédit – et vos troubles sociaux ne se traduisent par une nouvelle augmentation des taxes douanières. Pour certaines denrées, celles-ci ont déjà atteint quarante-neuf pour cent. Or, j'exporte de plus en plus de fruits et légumes vers la Floride, et notre sel est devenu invendable, depuis que vous en produisez. Alors, je ne me réjouis pas outre mesure du retour de Cleveland à la Maison-Blanche, dit Pacal.
     
    La veille de son départ pour Boston, Pacal confia

Weitere Kostenlose Bücher