Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
à Thomas l'état de continence que lui imposaient les risques qu'une nouvelle grossesse ferait courir à Susan.
     
    – Et ça te pèse ?
     
    – Certains jours, ou plutôt certaines nuits, concéda Pacal, sans malice.
     
    – Si tu dois rester fidèle de cœur à ta malheureuse épouse, tu dois te sentir libre de chercher ailleurs, avec discrétion, le plaisir qu'elle te refuse. Tu n'as, pas plus que moi, vocation d'ascète ?
     
    – Nous y avions déjà renoncé quand nous étions étudiants. Souviens-toi des demoiselles de la pension des Fleurs, plaisanta Pacal.
     
    – Alors ?
     
    – À Soledad, mon cher, tout écart m'est interdit. J'ai, dans ce domaine, à restaurer la réputation des Cornfield, mise à mal par mon grand-père, grand fornicateur insulaire. J'en suis d'ailleurs le produit, rappela lord Pacal en riant.
     
    – À New York, avec un million et demi d'habitants, conserver l'anonymat est aisé. Veux-tu que je demande à la créature avec laquelle je couche actuellement, une gentille vendeuse de Bloomingdale's, d'amener, ce soir, une amie sûre et agréable. Nous dînerons, en cabinet particulier, au Delmonico's, à Madison Square. Après, ce sera à toi de jouer.
     
    – Ce sont des prostituées ?
     
    – Pas exactement. Ce sont des filles d'origine modeste mais de bonne éducation. Elles partagent le plaisir comme un bon repas. Elles acceptent les… hommages des messieurs aisés pour arrondir leurs fins de mois. En fait, elles veulent toutes réunir assez de dollars pour acheter une boutique de fanfreluches ou de chaussures et finir dans la peau d'une dame patronnesse. Elles opèrent avec discrétion, pour ne pas perdre leur place car, chez Bloomingdale's et Macy's, on veut des vendeuses jolies, honnêtes et vertueuses. Avec ce genre de fille, tu passes un bon moment, tu paies et tu t'en vas. Et, si tu as envie de les revoir, c'est toujours possible, expliqua Artcliff.
     
    Le même soir, la rencontre se déroula au mieux. Babe, l'élue de Thomas, présenta Lily à Pacal et, quand le Bahamien prit le train pour Boston, il s'était fait, à New York, une relation galante, voluptueuse par goût, cupide par nécessité.
     
    Après ces jours de liberté, vécus en célibataire avec son ami Artcliff, lord Pacal retrouva Susan et sa famille dans la placidité, un rien pincée, qui tenait lieu de distinction à la classe régnante. Les fêtes de fin d'année eussent été uniquement dévotes et mondaines sans la petite Martha, dont la vitalité rayonnante n'était pas aisément contenue par sa mère et sa nurse Erika.
     
    Seule, tante Maguy, massive comme un cavalier des Life Guards, mains puissantes, traits épais de sculpture inachevée, immenses yeux marron, impressionnait l'enfant. La doyenne de la lignée Metaz O'Brien Buchanan entendait bien dicter à Martha maintien et conduite, ainsi qu'elle l'avait fait avec Susan, orpheline de mère. Son seul échec, dont il était interdit de prononcer le nom, était Fanny, nièce dénaturée. De Floride, cette dernière adressait à Susan des lettres enthousiastes. Non seulement la dévergondée était heureuse en ménage, mais ses affaires immobilières prospéraient si bien qu'elle et son mari faisaient construire, à Palm Beach, une somptueuse demeure, proche de celle de Henry Flagler.
     
    Les échos de cette réussite, rapportés par Susan à Arnold Buchanan, agaçaient le négociant, car la situation économique, en Nouvelle-Angleterre comme ailleurs dans les États industriels, suscitait bien des inquiétudes.
     
    En s'emparant des mines de charbon, les sociétés de chemins de fer faisaient la loi des tarifs de transport de ce combustible, indispensable à l'industrie et aux foyers domestiques. Autres rapaces, la Standard Oil, de Rockefeller, en situation de monopole pour l'extraction et le transport du pétrole, ainsi que, depuis peu, pour la production d'électricité, défiait les lois de la concurrence, comme les trusts du sucre et de la viande de bœuf.
     
    – Le pouvoir économique est aux mains de quelques hommes, qui sont dans toutes les productions vitales. Ils possèdent des journaux, qui influencent l'opinion, des banques, qui jouent du crédit, des compagnies d'assurances. Ce sont eux qui financent les partis politiques, afin de faire élire des hommes à leur dévotion. Ah ! ce brave Cleveland, que je tiens pour un honnête homme, aura fort à faire, pour défendre les intérêts des simples citoyens. Quand

Weitere Kostenlose Bücher