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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d'être devenue la capitale de l'architecture moderne. Car, pour reconstruire la cité incendiée, suivant les plans des urbanistes, les bâtisseurs, dont le célèbre architecte Lewis Sullivan, avaient résolument opté pour de grands immeubles à ossature métallique. Technique de construction prônée depuis longtemps par Alistair Gregory Artcliff, le père de Thomas. Déjà connu sous le nom d'École de Chicago, un groupe de jeunes architectes rivalisait d'audace pour bâtir des immeubles de plus en plus hauts, qu'un journaliste avait nommés, avec quelque emphase, skyscrappers 3 .
     
    Lord Pacal et Susan eurent, dès leur arrivée à l'Auditorium, le sentiment d'entrer dans le monde de l'avenir américain. Un palace de dix étages et cinq cents chambres était coiffé d'une tour de dix-sept étages, dont la terrasse offrait une vue incomparable sur la ville et le lac. Construit entre 1887 et 1889, par les architectes Dankmar Adler et Louis Sullivan, le caravansérail abritait aussi un théâtre de quatre mille places, une salle de concert et un grand nombre de magasins.
     
    – On pourrait vivre ici sans jamais sortir. On trouve tout ce qui est nécessaire à la vie et à la distraction, s'émerveilla Susan.
     
    – En effet, ma chère, que vous n'en sortiez pas est le but recherché par les propriétaires. Ils ont dépensé trois millions cinq cent mille dollars pour construire cet ensemble. Que vous dormiez, dîniez, dansiez, alliez au théâtre ou au concert, achetiez des chaussures, un bijou, un chapeau ou un sandwich, tout tombe dans la même escarcelle. L'Auditorium est un vaste tiroir-caisse. Qui entre ici devient captif volontaire, ironisa Pacal.
     
    Cette captivité mercantile fut épargnée à Charles Desteyrac et à Ottilia. Les Tilloy les hébergèrent dans leur vaste résidence de Michigan Avenue, ce qui permit, dès le premier soir, aux deux amis, tête à tête à l'heure du cigare, d'évoquer leur rencontre et leur destinée.
     
    – Vous rappelez-vous ? C'était le 5 janvier 1853, à Liverpool. Le major Carver nous a présentés l'un à l'autre dans la taverne du Red Eagle, sur le port. Vous étiez fringant lieutenant et moi, fraîchement sorti de l'École des ponts et chaussées, je fuyais la France de Napoléon III, avec, en poche, un contrat pour construire un pont aux Bahamas, rappela l'ingénieur.
     
    – Diable, il y a tout juste quarante ans de cela !
     
    – Le lendemain, j'ai embarqué sur le Phoenix , beau voilier dont vous étiez le second, précisa Charles.
     
    – Oui. Et, que d'événements ont agité nos vies, depuis ce jour ! N'avez-vous jamais regretté votre choix de vivre à Soledad ? C'est un peu étroit, non ?
     
    – Ma vie a été bien remplie, grâce à lord Simon, le Vieux, comme vous l'appeliez. J'ai pu, en toute liberté, exercer mon métier d'ingénieur, construire des équipements utiles, du pont de Buena Vista au phare du Cabo del Diablo. J'ai tracé des routes, établi un chemin de fer, créé un réseau de distribution d'eau potable. Et vécu l'amour de deux femmes exceptionnelles, précisa Charles.
     
    – Il y a eu Ounca Lou, et ce fils superbe, qu'elle vous a laissé, Pacal le nouveau lord des Bahamas. Et aujourd'hui, lady Ottilia, acheva Mark, étonné que l'arrogante aristocrate d'autrefois se fût muée en épouse attentive.
     
    – Vous avez vous-même fort bien réussi en amour et dans les affaires. On dit que votre compagnie de navigation concurrence la puissante Goodrich Line. On voit partout votre pavillon bleu à étoiles d'or sur le Michigan, l'Erie, l'Ontario, le Mississippi, jusqu'au Saint-Laurent m'a-t-on dit, développa Charles.
     
    – Vous savez mieux que personne que je dois tout à Ann. J'ai simplement fait fructifier son héritage. Rappelez-vous nos fiançailles ratées, son mariage avec Pickermann, le naufrage, son veuvage, sa longue paralysie et comment ce cher vieux sorcier de Maoti-Mata sut la guérir avant que je ne l'épouse en 69. Ah ! Charles, nous devons nous considérer comme des privilégiés, même si nous avons vécu, l'un et l'autre, des heures difficiles, des déceptions, des deuils. Je pense d'abord à la mort tragique d'Ounca Lou, bien sûr.
     
    – Le nouveau yacht de mon fils porte son nom.
     
    – Comme vous, j'ai un fils de vingt et un ans, qui prendra ma suite. Le Vieux, que nous aimions bien, serait assez fier de nous voir ici, ce soir, tels que nous sommes. Sûr qu'il penserait nous

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