Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
primitif, longtemps défendu par lady Lamia. Le Bahamien y vit un troublant symbole.
     
    Face à la dévastation, une décision s'imposa au maître de Soledad. Il envoya Maitland porter un télégramme à Nassau, à destination de Thomas Artcliff et George, puis s'enferma dans son cabinet de travail, que Violet et son mari avaient, tant bien que mal, remis en ordre. À la fin de l'après-midi, les modulations empruntées des moqueurs lui parvinrent, tel un signe de constance, tandis que, sur sa sellette, la tête de cristal de roche irradiait la lumière lénitive du soleil frisant. L'ouragan tropical avait, certes, accablé l'île, mais que représentaient ses méfaits, comparés à ceux commis en France par la guerre ?
     

    George et son parrain répondirent aussitôt à l'appel de Pacal. Ils trouvèrent, à Nassau, le commandant Maitland, qui les attendait depuis dix jours, et leur arrivée à Soledad fut saluée, comme un espoir de renouveau, par les habitants du Cornfieldshire.
     
    Pacal leur laissa le temps de faire l'état des lieux et, après un dîner servi à Cornfield Manor, dans une salle à manger rendue utilisable par Tom O'Graney et ses charpentiers, il sollicita l'avis des architectes.
     
    – Il serait vain, père, de vous faire croire que le manoir puisse jamais retrouver son aspect ancien. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable. Cornfield Manor a été si fortement ébranlé qu'au premier coup de vent violent la demeure va s'effondrer… peut-être sur votre tête, commença George.
     
    – Il faut en profiter pour faire du neuf, Pacal. Nous disposons, aujourd'hui, de nouveaux matériaux. La pierre, taillée dans le calcaire corallien, c'est du passé. Tu as vu le nouvel hôtel de Nassau, le Rozalda. Lui, crois-moi, il résistera aux assauts des ouragans, précisa Thomas.
     
    – Et puis, ne croyez-vous pas, père, qu'il serait temps que soient valorisées la beauté et la situation exceptionnelle de Soledad, avança George.
     
    – Il a raison. Soledad est un riche domaine, inexploité, renchérit Thomas.
     
    – Que voulez-vous faire de mon île ? s'inquiéta Pacal.
     
    – La plus belle, la plus luxueuse, la plus exclusive des stations balnéaires et touristiques des West Indies, osa George.
     
    – Pour cela, il faut usine électrique, hôtels, restaurants, boutiques, golf, piscines, tennis, clubs avec salle de jeux, hippodrome, routes lisses pour les automobiles, plages aménagées, quais pour les yachts, etc., compléta Artcliff, sans laisser à son ami le temps de revenir de sa stupéfaction.
     
    – Que faites-vous des indigènes ?
     
    – Tous les insulaires y trouveront leur compte. Les pêcheurs et les fermiers fourniront les restaurants ; vos ananas et vos primeurs d'Eleuthera seront les bienvenus ; les braves femmes qui tressent chapeaux et paniers de sisal que les commerçants de Nassau leur achètent, à des prix de misère, les vendront directement aux villégiateurs, s'enhardit à développer Georges.
     
    – Vous respecterez, j'espère, le mausolée Cornfield, ironisa Pacal, amer.
     
    – Ce sera, mon cher, une attraction émouvante pour les visiteurs. Nous autres, Américains, vénérons comme relique tout ce qui a plus de cent ans ! dit Thomas.
     
    – Et les pêcheurs d'éponges, que j'ai vus à l'œuvre ce matin, feront le spectacle, compléta George.
     
    – On pourra même, avec un bateau à fond de verre, comme il en existe en Floride, montrer le repas des requins, acheva Artcliff, guilleret.
     
    Lord Pacal, jusque-là silencieux, but une gorgée de porto et tira de son cigare une bouffée gourmande.
     
    – Ce que vous proposez n'est pas mon affaire. J'ai trop d'habitudes pour supporter pareils changements. Ce sera à toi, George, d'accomplir cette mutation à l'américaine, dit-il.
     
    – Bien sûr, plus tard, plus tard, quand vous serez las de vivre comme un reclus, s'empressa de dire George.
     
    – Pourquoi « plus tard » ? Pourquoi pas tout de suite. L'ouragan a fait une partie du travail, dit brusquement lord Pacal.
     
    – Mais, nous ne voulons rien imposer qui puisse te déplaire, dit Thomas.
     
    – Nous aurions l'air de vous chasser, s'indigna George, ému.
     
    – Ne vous souciez plus de mes goûts. Ils sont dépassés, comme le calcaire corallien. Vos projets sont dans le vent de l'époque. Laissez-moi réfléchir à la meilleure façon de passer la main, conclut Pacal en levant la séance, devant les deux

Weitere Kostenlose Bücher