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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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hommes, un peu confus.
     

    Tandis que George et Thomas quittaient le manoir délabré pour Malcolm House, résidence épargnée par les éléments, lord Pacal passa dans son cabinet de travail.
     
    Depuis la fin de la guerre, il avait acquis la conviction qu'une nouvelle ère était en gestation pour les Bahamas. Certains signes révélaient, déjà, un changement dans la mentalité des insulaires. Le splendide isolement des îles ensoleillées appartenait à un passé révolu, dont les nouvelles générations n'auraient connaissance que par les livres d'histoire.
     
    Après que deux hydravions militaires s'étaient posés, en janvier 1919, devant Nassau, les liaisons aériennes commerciales étaient devenues régulières pendant la saison, de novembre à mai, entre la Floride et New Providence. Sur mer, en plus de la compagnie Cunard, la Royal Mail Line assurait une traversée mensuelle, entre Liverpool et Nassau, et des vapeurs reliaient, deux fois par semaine, la Floride, à partir de Jacksonville et de Key West, à la capitale des Bahamas. Celle-ci était aussi accessible, chaque semaine, en deux jours et demi, à partir de New York, par la Musson Steamship Line. Il en coûtait soixante-quinze dollars en première classe et quarante-cinq en seconde.
     
    Aux cent cinquante chambres du vieux Royal Victoria Hotel s'étaient ajoutées les six cents du Colonial Hotel, où l'on logeait très confortablement pour cinq dollars par jour. Les visiteurs pouvaient encore choisir les hôtels Nassau, Allan ou Rozalda voire l'une des nombreuses pensions de famille, dont le tarif variait de huit à vingt-cinq dollars la semaine.
     
    Les riches Américains, membres du New York Yacht Club, dont les bateaux mouillaient entre Nassau et Hog Island, jouissaient du très select Porcupine Club, des courts du Nassau Lawn Tennis Club, de deux terrains de golf et, depuis peu, d'un golf miniature, introduit aux Bahamas par le docteur Casselberry. Le Colonial Office prévoyait que, dans le budget de la colonie, le tourisme supplanterait bientôt le commerce des éponges, jusque-là première source de revenus.
     
    Le téléphone et, maintenant, la radiophonie mettaient le monde entier à portée de voix et d'oreille. Ne venait-on pas d'inaugurer, à Governor's Island, une nouvelle station radiophonique, qui couvrait de ses ondes les Out Islands. À Nassau, une centrale électrique, plus puissante et plus fiable, remplaçait celle construite sur les conseils d'Albert Fouquet, l'ami de Charles Desteyrac. La nouvelle usine distribuait, partout sur New Providence, la lumière et l'énergie. Des entrepôts frigorifiques, propres à la conservation des denrées périssables, en attente d'exportation, étaient en voie d'achèvement. On avait créé des docks, pour recevoir les fournisseurs des bootleggers.
     
    Après l'échec de deux projets politiques, l'un, prôné par les anciens Sudistes, tendant à faire des Bahamas un nouvel État américain, qui enverrait des représentants à Washington, l'autre, consistant à transformer la colonie en province de la Confédération canadienne, les Bahamiens se rassuraient. L'archipel, qui comptait cinquante-trois mille habitants, dont un tiers résidait à New Providence, avait déjà échappé à une Confédération des West Indies. Des créoles instruits, des hommes d'affaires, des juristes et des politiciens libéraux, commençaient à penser, sans oser formuler leur idée, que les Bahamas pourraient, un jour, constituer un État indépendant, membre d'une communauté issue des anciennes possessions britanniques 11 .
     
    Les quotidiens, les magazines et la radiophonie favorisaient la diffusion des idées. De même, les lettres, échangées entre les milliers de Bahamiens exilés en Floride et leur famille, rapportaient les atouts de la vie américaine : confort, usage du téléphone, circulation automobile, boom immobilier, dynamisme commercial, rapidité des trains, droit de vote récemment accordé aux femmes. Tout cela démontrait les avantages d'une civilisation avancée, qui ne pénétrait les îles que lentement, et toujours avec retard.
     
    L'approche, plus que la fréquentation des touristes américains, canadiens, parfois européens, et surtout des bootleggers à l'argent facile, créait chez les indigènes des deux sexes des envies soudaines. Les plus évolués souhaitaient se procurer un rasoir mécanique, un stylographe, des chaussures fines. Les jeunes femmes de chambre,

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