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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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vu la mort en pleine activité. C'était, à la fois, horrible et fascinant. La vie a, pour moi, maintenant, d'autres règles et une autre saveur. Parrain m'a confié des projets, je dessine des immeubles, je conduis des chantiers, nous travaillons ensemble et je compte bien vous être utile à Soledad, dit-il.
     
    – Tu en seras un jour propriétaire, libre à toi, alors, d'y exercer ton talent, répondit Pacal.
     
    – Savez-vous, père, que vous pourriez gagner beaucoup d'argent en acceptant de recevoir, ici, les contrebandiers d'alcool, les bootleggers, et leur ouvrir un entrepôt, pour leurs cargaisons à destination de l'Union. Les cargos, venus d'Europe ou du Canada, livrent les alcools dans les îles, car l'archipel est sur le boulevard du rhum. Les contrebandiers, qui disposent de rapides bateaux à moteur, les réceptionnent et les portent en Floride ou dans les ports des Carolines. Nassau, Grand Bahama et les Bimini Islands sont les entrepôts les plus prisés, parce qu'à cinquante-cinq milles de la côte américaine. Les contrebandiers paient bien les entreposeurs, car la demande d'alcool est forte, expliqua George.
     
    – Crois-tu ? dit lord Pacal, amusé.
     
    – Depuis que le 18 e  amendement à la Constitution 9 , a été ratifié par le Congrès, aucun Américain ne peut plus boire légalement ni whisky, ni vin, ni bière. Naturellement, on n'a jamais autant bu de whisky, dans les bars clandestins de New York. Tourner la loi est devenu un jeu, un sport. Des hommes et des femmes, qui ne buvaient pas d'alcool, se sont mis à en boire, par défi et parce que cette loi, rapportée par le sénateur Andrew J. Volstead, est considérée comme une atteinte à la liberté.
     
    – Je suis très bien renseigné, mon garçon. Je sais ce qui se passe à Nassau, à Grand Bahama, à Andros, et sur d'autres îles, devenues depuis peu des caves à whisky. Pour certains insulaires, la loi américaine sur la prohibition est, certes, une aubaine. On compte, à Nassau, une vingtaine de nouveaux négociants en spiritueux, qui sont en train de faire fortune. Le quartier général des contrebandiers est le Lucerne Hotel, sur Frederick Street. On y joue au poker, à cent dollars la mise, et on y donne des bals, où des gens de la pire espèce se mêlent aux touristes. Le Graycliff est le lieu préféré de la haute pègre. Il est tenu par un certain Polly Leach, un ami d'Al Capone, le plus redouté gangster de Chicago 10 . La police a fort à faire, car ces messieurs se volent entre eux et se battent. Sans la loi britannique, qui interdit les armes à feu à Nassau, il y aurait des morts, chaque nuit, révéla Pacal.
     
    – Mais, père, les autorités se réjouissent aussi, car tout l'alcool en transit dans vos îles est taxé par la douane, dont les recettes auraient triplé en un an, d'après ce que l'on murmure, dit George.
     
    – Nul doute que la contrebande d'alcool soit un nouveau pactole pour les Bahamas. On se croit revenu au temps de la guerre de Sécession, quand transitaient, chez nous, les armes et munitions des Sudistes. Seulement, les forceurs de blocus étaient le plus souvent des officiers de la Navy en congé, des patriotes, en tout cas, pour la plupart, des gentlemen. Vos bootleggers sont des bandits, que je refuse de recevoir à Soledad, asséna Pacal, catégorique.
     

    George regagna New York quand son père s'embarqua pour la France, à la fin du printemps.
     
    Lord Pacal n'avait jamais autant senti le besoin de revoir sa gentilhommière d'Esteyrac. Les traversées transatlantiques étant rétablies, il débarqua au Havre et, sans même s'arrêter à Paris, encore tout aux émois de l'immédiat après-guerre, il loua une automobile et se fit conduire en Auvergne, région épargnée par les destructions, dont on découvrait le bilan : plus de trois cent mille maisons détruites, plus de cinquante mille kilomètres de routes à remettre en état, plus de deux millions d'hectares de terres cultivables à débarrasser de la ferraille, tombée du ciel pendant quatre années.
     
    Au village d'Esteyrac, il ne vit, d'abord, que des femmes vêtues de noir, veuves ou mères des morts. Ninette n'avait plus rien de la jeune paysanne primesautière et ne put retenir ses larmes quand Pacal voulut connaître les circonstances de la mort de son mari, le forgeron.
     
    – Tout ce qu'on m'a écrit, c'est qu'il a été tué avec des centaines d'autres, quand son régiment prit le village des

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