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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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chapeau de feutre délavé, lissa sa moustache, montra dans un sourire des dents jaunies par le tabac et considéra Pacal, lui trouvant un air plus étranger encore qu'à ses parents.
     
    – Vous avez là un beau gars, et costaud, hein. On voit bien qu'il a du sang auvergnat, crédieu. Moi, j'ai que des filles. C'est pas bon pour la ferme, sauf si je leur trouve des bons maris. Mais les gendres, ça vaut jamais les fils, mon bon monsieur, dit le fermier.
     
    – Vous trouverez certainement ici des maris pour vos filles. Nous avons vu, en chemin, de robustes garçons occupés dans les champs, dit Ottilia avec un sourire désarmant.
     
    Voyant le paysan intrigué par l'accent d'Otti, Charles crut bon de préciser que son épouse était anglaise.
     
    – Une bien belle dame, avec ça. Une lady… C'est'y pas comme ça qu'on dit, par chez vous ? déclara l'homme, satisfait de montrer son savoir.
     
    Les trois visiteurs approuvèrent et, la glace étant rompue, le fermier les invita à gravir le perron, pour pénétrer dans ce qui avait été, au temps de la splendeur du château, le vestibule, le grand salon et la salle à manger. On entreposait là des sacs de semences, des engrais, des instruments aratoires. Des faux étaient suspendues au mur et un clapier occupait le fond du vestibule. Pacal s'étonna de voir des lapins en cage, surtout des blancs aux yeux rouges.
     
    – Mes polonais, mes blancs de Bouscat et mes bleus de Vienne sont toujours primés au comice agricole d'Issoire, commenta fièrement le fermier.
     
    La fromagerie, avec ses bacs, moules, claies et barattes, emplissait le grand salon et, dans l'ancienne office, un homme lavait à l'eau chaude, dans un évier de pierre, des seaux, de grands pots étamés au couvercle retenu par une chaîne – que le paysan nomma biches –, des gamelles, des entonnoirs, des tamis. Activité qui se déroulait dans un tintamarre de ferblanterie et une odeur de lait caillé.
     
    – Faut de la propreté pour le lait, le beurre et le fromage. Ici on lave tout, chaque jour, avant la traite, expliqua-t-il.
     
    Ne voyant aucun meuble, Charles soupçonna qu'on les avait brûlés, l'hiver, dans les cheminées, mais le fermier le détrompa. Son père, pour payer « l'amenée d'eau » avait vendu tout le mobilier trouvé dans les combles.
     
    – Ma mère n'a conservé qu'un vaisselier, que ma femme a gardé, et que les brocanteurs qui passent veulent tous acheter.
     
    Subsistait, dans la vaste cuisine, l'immense cheminée qui portait, noirci par la fumée, le relief d'un écu, arasé par les marteaux des révolutionnaires. Les armes des Esteyrac ne figuraient plus que dans les chartriers et Charles se promit d'en commander un relevé pour son fils.
     
    – Paraît qu'au temps des seigneurs, on cuisait un bœuf entier dans cette cheminée. Vous voyez encore les potences, qui supportaient les broches, longues comme des lances. Les vieilles gens m'ont dit qu'à la Saint-Austremoine, premier apôtre d'Auvergne, qu'est le patron du pays, le seigneur invitait tout le village, une douzaine de familles tout au plus, expliqua le paysan.
     
    L'ingénieur désigna un escalier de pierre, blanchi à la chaux, qui, dans un angle de la salle, s'élevait vers l'étage.
     
    – Là-haut, je loge mes ouvriers, mes bouviers et mes bergers. On peut pas y aller, dit l'homme.
     
    – Et vous, où logez-vous ? demanda Ottilia.
     
    – Oh, pas ici, bien sûr. Dans ces vieux murs, on crève de froid, l'hiver. Et puis, quand il pleut ou que la neige fond, le toit laisse passer l'eau. On met des bassines sous les gouttières.
     
    – Donc, vous logez ailleurs votre famille, insista Ottilia.
     
    – Mon père a fait construire, derrière la ferme, une maison en bonne pierre de Montpeyroux. C'est là qu'on habite.
     
    Le groupe regagna la cour et le fermier se planta devant l'attelage des voyageurs.
     
    – Ça va chercher dans les combien, une belle voiture à deux chevaux ? demanda-t-il.
     
    Le cocher, descendu de son siège, tentait d'amadouer le chien avec un morceau de sucre, tandis que le groom s'efforçait de faire disparaître les éclaboussures qui maculaient les flancs laqués de la berline.
     
    – C'est une voiture de remise, louée à Paris. Elle ne nous appartient pas, répondit Charles, sans satisfaire la curiosité du fermier.
     
    En quittant le château, lequel ne méritait plus ce nom, les Bahamiens perçurent, sortant de l'aile droite, le

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