Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
quoique très désireux de pousser l’offensive sur tous les fronts, se rendait compte des difficultés. Il s’efforçait de modérer ses collègues. Claude et lui, pour défendre Jourdan, trouvaient en Barère un allié inattendu. À la fin l’impatience agressive de Collot et Billaud éclata.
    « Si votre général n’est pas un contre-révolutionnaire, c’est un incapable, déclara Billaud. D’autres ont éternué dans le panier pour bien moins. Il nous faut sa tête. »
    Dans les premiers jours de janvier, il devint évident que l’on ne pourrait éviter à Jourdan la destitution. Claude en avisa Bernard en lui demandant s’il accepterait de commander l’armée du Nord. La proposition émanait de Carnot, revenu de ses préventions contre le général Delmay.
    « Non, répondit Bernard, je ne peux pas succéder dans de telles conditions à Jourdan, tu t’en doutes bien. Je me ferai tuer plutôt. Jourdan est un soldat plein de courage, un républicain qui a tout sacrifié à la république, il a sauvé la France à Hondschoote et à Wattignies, c’est une honte de lui retirer son armée. Aucun officier digne de ce nom, aucun Jacobin digne de ce titre n’accepterait de s’associer à cette injustice. S’il se trouve un général pour le faire, soyez sûrs que c’est un homme sans morale. J’ai dit mon sentiment là-dessus à Saint-Just, à Le Bas. Je te prie de lire ma lettre au Comité, je t’en voudrais d’y manquer. »
    Claude s’y décida, non sans appréhension. Comme il s’y attendait, Billaud-Varenne piqua une crise. « Ton Delmay est un insolent ! s’écria-t-il, un ennemi du peuple ! On n’est pas républicain quand on donne le pas à ses amitiés sur les intérêts de la patrie. Je demande que Delmay soit arrêté sur-le-champ et envoyé avec Jourdan à Fouquier-Tinville. » Ce fut un tollé dans le salon blanc. Collot d’Herbois lui-même dit à Billaud qu’il allait trop loin. Robespierre tapotait la table. Il était mécontent, mais la résolution de Bernard, dont il connaissait le caractère, l’impressionnait. On ne décida rien, ce soir-là. Le temps manquait, d’ailleurs : tous les « politiques » se disposaient à se rendre au club (c’était à cette séance que Collot avait fait son rapport sur Philippeaux et Desmoulins). Le lendemain, 6 janvier, le ministre Bouchotte ayant chaleureusement recommandé Pichegru au Comité, pour recueillir la succession de Jourdan, Billaud et Collot revinrent à la charge, exigeant la destitution du général limousin. Robespierre inclinait à suivre Bouchotte. Carnot, Claude, Barère bataillèrent en vain. Ils obtinrent seulement que Jourdan ne serait pas arrêté avant d’avoir été entendu à Paris.
    Il arriva le 14 janvier – le lendemain de l’arrestation de Fabre d’Églantine –, très affecté par l’idée qu’on pût le soupçonner de trahison. Claude le réconforta. Il le conduisit au pavillon, où Collot d’Herbois et Billaud-Varenne, satisfaits de voir le chef de l’armée du Nord agir tout à l’inverse de son prédécesseur Dumouriez, en se livrant au Comité sans hésitation, se montrèrent moins agressifs. Comme Billaud reprochait au général d’avoir, par son inaction, fait échouer le plan de campagne qui, fortement soutenu, aurait rejeté partout l’ennemi hors du territoire, Jourdan expliqua que les longues pluies imprégnant les plaines grasses du nord, dans lesquelles l’eau stagnait, ne produisaient pas du tout le même résultat sur le sol caillouteux de l’Alsace, et sur ses pentes favorables au ruissellement. Toute la détermination du monde ne pouvait rien contre les conditions atmosphériques ni contre le dénuement d’une armée qui manquait de tout pour affronter en campagne les rigueurs d’un hiver particulièrement rude. Finalement, Collot déclara : « Nous ne te soupçonnons pas, citoyen. Nous t’accusons seulement de t’être refroidi sur tes victoires. Nous estimons que tu dois être remplacé par un général plus énergique. Sois sans crainte, ta retraite ne sera pas déshonorante. » Barère fut chargé, selon l’habitude, de faire rapport là-dessus à la Convention.
    « Jourdan, annonça-t-il à l’Assemblée, rentre pour quelque temps dans ses foyers, non pas à la manière de ces officiers suspects, de ces généraux douteux que la loi suspend ou destitue, mais comme un soldat glorieux qui se repose sur ses lauriers. Il est pauvre, c’est son éloge, son

Weitere Kostenlose Bücher