Une histoire du Canada
a les réformistes et les tories et ultérieurement, les conservateurs et les libéraux. Les noms ont peu de signification sur le plan de la gauche ou de la droite : dans les années 1860, la création du parti « libéral-conservateur »
capte l’essence du régime des partis. On associe les partis à des personnalités et les personnalités à certains intérêts bien admis. Les libéraux du Canada-Ouest, par exemple, tendent à suivre le brillant mais irascible éditeur du Toronto Globe, George Brown ou du moins lui accordent beaucoup 184
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d’attention. Brown, originaire d’écosse, est arrivé au Canada en passant par new York afin de prendre part à la politique confessionnelle de nature presbytérienne. il a une personnalité percutante, sinon dominante ; sous son influence, les libéraux perdent successivement plusieurs jeunes politiciens qui se retrouvent sous le protectorat du parti libéral-conservateur de John a. Macdonald.
Macdonald, également originaire d’écosse, est rusé alors que Brown est direct, et conciliant alors que Brown est rigide. On considère que Brown manque de charme et de considération envers les autres, tandis que Macdonald possède toutes ces qualités. Brown estime que Macdonald est un ivrogne sans principes alors que ce dernier considère Brown comme un sectaire borné. effectivement, Macdonald boit souvent à l’excès tandis que Brown écrit trop fréquemment au sujet des faiblesses des autres en ce qui a trait à leur religion et à leur race, en particulier les irlandais ou les Français catholiques. Par contre, Brown comprend que le compromis est nécessaire dans un régime d’alternance des partis et Macdonald accepte qu’on doive faire place aux idées plus larges en politique.
Macdonald a également la chance de trouver un partenaire canadien-français, George-étienne Cartier, un avocat montréalais et, comme beaucoup de ses confrères canadiens-français, un révolutionnaire en puissance13. Cartier a suivi Papineau, a tiré des leçons de son expérience et s’est joint au réformiste La Fontaine. il est l’héritier de la proposition d’association et de conciliation de LaFontaine ; il trouve des partenaires canadiens-anglais et établit avec eux de nouvelles bases politiques. Leurs demandes constitutionnelles étant satisfaites, les réformistes canadiens-français de Cartier réalisent que leurs intérêts et, croient-ils, ceux de leurs électeurs, laissent prévoir une coalition avec les conservateurs du Haut-Canada et, éventuellement, avec John a. Macdonald. Macdonald et Cartier, ou Cartier et Macdonald, dominent la politique de la fin des années 1850.
Les tarifs et les chemins de fer sont les grands projets des années 1850. de toute évidence, on accorde la priorité aux tarifs puisque le système administratif rudimentaire de l’époque considère qu’il s’agit du moyen le plus sûr et le meilleur de générer des recettes. On peut presque aller jusqu’à affirmer : pas de tarifs, pas de gouvernement. Les politiciens coloniaux réalisent en observant leurs voisins du sud que les états américains semblent vivre dans une grande prospérité grâce à l’utilisation adéquate et créative de leurs revenus. Quel est le secret de la prospérité ? Les Britanniques ont abandonné les tarifs pour des raisons de principe et la Grande-Bretagne a prospéré. Par conséquent, la population britannique reçoit de la nourriture à prix abordable, et l’industrie britannique, des ressources à bas prix en 8•decoloniesàprovinces
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provenance de l’étranger. il en résulte du contentement, en particulier parmi les politiciens qui dirigent l’état britannique, son armée, sa marine et son empire. Les colonies britanniques ne devraient-elles pas suivre la même voie ?
Les coloniaux ne le voient pas de la même manière. Pour la Grande-Bretagne, qui est déjà prospère, le recours au libre-échange lui permet d’accroître sa richesse et de dominer les marchés mondiaux grâce à sa production industrielle. Contrairement aux colonies ou à d’autres pays – la Prusse, par exemple, ou les états-Unis – , la Grande-Bretagne possède déjà des industries, a déjà établi une production et sa population est déjà plus qu’abondante. avant de pouvoir souscrire aux bienfaits du libre-échange, les colonies devront atteindre les niveaux de production et de prospérité de la Grande-Bretagne.
Les théoriciens prussiens
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