Une histoire du Canada
ou moins local et limité comparativement au commerce avec la Grande-Bretagne, qui, jusqu’aux années 1920, demeurera le principal partenaire commercial des états-Unis.
aux yeux des américains, le Canada devient graduellement une région reculée. Le Canada français est exotique et pittoresque, quoique manifestement inférieur. Par contre, le Canada anglais s’approche de ce à quoi les américains sont habitués. Les voyageurs traversant la frontière font remarquer qu’il est difficile de faire la différence entre les deux pays.
Ce qui semble familier n’est ni dangereux, ni dérangeant.
L’esclavage, par contre, est dérangeant. L’absence d’esclavage dans les provinces britanniques fait en sorte que les esclaves en fuite s’y rendent, aidés par un réseau d’abolitionnistes appelé « le chemin de fer clandestin ».
dès qu’ils sont en territoire britannique, ils sont libres et à l’abri d’une extradition19. On estime que trente mille anciens esclaves traversent ainsi la frontière, la majorité s’installant dans la province du Canada.
On ne leur réserve pas toujours un accueil chaleureux. d’une part, plusieurs groupes anti-esclavagistes présents dans les provinces sont prêts à offrir leur soutien aux réfugiés des états-Unis. d’autre part, de nombreux Canadiens craignent ce qui est étranger et inhabituel – une couleur de peau différente20. Le préjugé racial qui en résulte marginalise les noirs de la même façon que dans le nord des états-Unis.
entre-temps, au cours des années 1850, alors que les états-Unis se dirigent vers une désunion, de nombreux Canadiens se sentent engagés sur les plans émotif et intellectuel. Bien que les provinces britanniques soient aux prises avec leurs propres problèmes, la politique américaine extrême y trouve un écho lointain, et ce ne sera pas la dernière fois. Comme toujours, l’économie est assez préoccupante. de fait, la période de prospérité du milieu des années 1850 évolue vers le krach de 1857. La croissance a encouragé 8•decoloniesàprovinces
189
les politiciens au Canada, au nouveau-Brunswick et en nouvelle-écosse à voter massivement en faveur des chemins de fer – dans le cas du Canada, un des plus longs au monde, le Grand tronc, qui finit par s’étendre de la côte du golfe du saint-Laurent jusqu’au-delà de la rivière detroit. Parallèlement au développement du parcours ferroviaire, on prolonge les garanties du gouvernement pour les investisseurs du secteur ferroviaire – sans lesquels les chemins de fer coloniaux canadiens n’auraient certainement pas été construits. Le Grand tronc donne lieu à une des merveilles d’ingénierie de l’époque, le pont victoria, inauguré en 1859, qui traverse le saint-Laurent à Montréal.
Le Grand tronc est incontestablement un exploit qui coûte cher. La seule façon de le terminer est de miser considérablement, et de plus en plus, sur le trésor public provincial21. Le gouvernement canadien peut s’attribuer le mérite d’avoir réussi cet exploit mais il supporte également le poids de la critique quant aux actes et aux méfaits de ce qui devient immédiatement la société la plus importante et la plus connue de la province – société qui n’appartient pas au Canada mais à la Grande-Bretagne. si les Canadiens protestent contre les investisseurs britanniques, ces derniers se plaignent des Canadiens. « Cela m’apparaît clair que la colonie tire beaucoup plus avantage du chemin de fer que les actionnaires ne sont susceptibles de le faire22 », écrit un investisseur britannique.
Le Grand tronc et les lignes parallèles comme le Grand chemin de fer occidental ne sont qu’en partie conçus pour servir les besoins des colonies britanniques. Qui plus est, ils sont conçus pour avoir accès au commerce du Midwest américain et sont par conséquent intégrés à un réseau nord-américain plus important qui unit l’amérique britannique aux états-Unis. et évidemment, lorsqu’un marasme économique frappe les états-Unis, comme c’est le cas en 1857, les colonies britanniques sont également touchées.
Le krach de 1857 affaiblit les finances provinciales et ruine des milliers d’investisseurs. Les valeurs immobilières s’effondrent et les banques qui ont accordé quantité de prêts hypothécaires sont mises en péril (la Bank of Upper Canada, qui transige beaucoup d’hypothèques, ne s’en remet pas et fait faillite ; la Banque de
Weitere Kostenlose Bücher