Une histoire du Canada
ce temps, les provinces britanniques profitent de la présence inhabituelle du fleuron de l’armée britannique. Les jeunes officiers britanniques, qui sont de très bons partis, sont accueillis chaleureusement par la société coloniale et leurs dépenses favorisent l’économie coloniale.
Or, le trésor britannique n’est pas aussi enchanté. en effet, garder des troupes en amérique du nord coûte cher et il semble que ce soit inutile sur le plan militaire. déployée le long d’une frontière de deux mille quatre cents kilomètres, de la baie de Fundy au lac Huron, l’armée peut être interceptée et anéantie par n’importe quelle armée américaine importante bien dirigée.
Pire encore, les colonies ne peuvent s’entendre sur leur propre défense, ce qui pourrait laisser l’armée britannique pratiquement sans soutien en cas de guerre. il semble de plus en plus que le maintien de relations pacifiques avec les états-Unis soit la meilleure défense, et la plus économique. en tout cas, c’est ce que les Britanniques souhaitent. s’indignant du coût de la défense du Canada, le chancelier de l’échiquier conservateur, Benjamin disraeli, relève l’« anomalie » d’« une armée maintenue dans une colonie qui ne nous permet même pas de la diriger25 ! » .
alors que la cause sudiste s’envole en fumée après 1863, les représentants sudistes dans les colonies prennent des mesures désespérées afin de provoquer une guerre qui n’est manifestement pas dans l’intérêt des colonies. ils organisent quelques raids sur le territoire américain à partir des 192
UnE HIsTOIRE dU Canada
colonies et, avec une victoire presque assurée, l’intervention nordiste peut se permettre d’être plus énergique qu’en 1861. On applique à la va-vite des contrôles de passeports aux voyageurs qui traversent la frontière, bloquant sans avertissement des américains en visite à toronto, à saint-Jean ou à Halifax. Le traité de réciprocité est répudié en mars 1865 ; il cessera d’être en vigueur un an plus tard, le 17 mars 1866. il est tentant d’imputer la fin de la réciprocité à l’exaspération des américains face aux incidents de la frontière, mais elle est probablement due davantage à l’aversion envers la hausse des tarifs canadiens sur les produits manufacturés américains.
La réciprocité ne donne pas lieu à une union économique, encore moins à une annexion. sans les avantages politiques, les gains économiques de la réciprocité ne peuvent l’emporter sur le protectionnisme américain au Congrès. Les soixante-dix prochaines années ne connaîtront aucun autre accord commercial de ce genre.
On assiste à un autre soulèvement transfrontalier. Beaucoup de soldats de l’armée du nord sont des immigrants arrivés récemment d’irlande. Un grand nombre espéraient l’indépendance de l’irlande sous la houlette de la Fraternité républicaine irlandaise (les Fenians). Les Fenians proposent d’attaquer la Grande-Bretagne, non pas dans la lointaine irlande mais dans les colonies britanniques voisines, ce qui alarme inévitablement les gouvernements coloniaux, qui doivent mobiliser leurs propres troupes afin de contrer la menace qu’ils constituent.
Les Fenians envahissent périodiquement les colonies, franchissant notamment la frontière du nouveau-Brunswick en avril 1866 et, en juin, la rivière niagara. Le gouvernement américain ne les appuie pas ; au contraire, on confisque leurs armes et on leur coupe les vivres. La crainte d’un soulèvement fenian finit par disparaître mais la leçon a coûté cher aux colons qui, pour la première fois, doivent payer le prix de leur propre défense. Comme toujours, l’argent dicte la voie à suivre, indiquant dans le cas présent ce que signifie et ce que coûte le fait de demeurer sous l’égide de la Grande-Bretagne.
LA cOnFéDéRATiOn
au fil des ans, les fonctionnaires britanniques et les politiciens coloniaux ont envisagé la faisabilité d’unir les colonies – chaque colonie est autonome et chacune a un régime politique distinct et indépendant. ils ont discuté régulièrement de la possibilité mais jusqu’en 1860, le moment n’a jamais été propice.
8•decoloniesàprovinces
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L’élément moteur de l’union est le mécontentement présent dans l’ouest de la province du Canada, l’ancien Haut-Canada, appelé parfois Canada-Ouest. essentiellement de langue anglaise, plus nombreux que les
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