Une histoire du Canada
installent des barricades sur les routes provinciales qui traversent leurs réserves, dont une est une voie d’accès importante à l’île de Montréal pour les résidants des banlieues sud. Pour la deuxième fois dans sa carrière, le premier ministre Bourassa réclame l’intervention de l’armée canadienne, qui est déployée en bonne et due forme. Mohawks et soldats se regardent dans le blanc des yeux, les esprits s’échauffent et il s’ensuit des incidents au cours desquels on lance des pierres. Fort heureusement, le temps fait son œuvre et le bon sens finit par prévaloir : les barricades disparaissent, on oublie le terrain de golf et la vie reprend son cours à peu près normal.
Cette normalité n’est plus la même. L’accord du lac Meech et la manière dont il a été géré, principalement par Mulroney, a débouché sur une situation diamétralement opposée aux attentes. Le Québec est en effervescence, situation qui ne plaît guère à Bourassa, un homme prudent.
Ce dernier cherche lui aussi à gagner du temps, nommant des commissions, tenant des audiences, émettant des ultimatums aux dates butoirs que l’on peut retirer, menaçant de tenir un référendum sur le séparatisme, permettant à une population agitée et déçue de se défouler. Mulroney nomme lui aussi une commission présidée par Keith spicer, qui fait le tour du pays pour permettre aux citoyens de décharger leur colère dessus.
en réaction à une des dates butoirs de Bourassa, Mulroney et ses ministres déclenchent une nouvelle ronde de négociations constitutionnelles.
il en ressort une entente, l’accord de Charlottetown, selon l’endroit où 452
UnE HIsTOIRE dU Canada
il a été signé. C’est une entente compliquée, incompréhensible et, très vraisemblablement, impraticable mais c’est une entente, à laquelle le Québec est partie et dont les dirigeants politiques officiels du Canada recommandent la ratification. soumise à un référendum en 1992, elle est rejetée, aussi bien au Québec que dans l’ensemble du Canada. La constitution ne sera pas amendée et l’histoire ne se souviendra pas de Mulroney et de Bourassa comme les nouveaux fondateurs du Canada ou du Québec.
Mulroney est responsable d’une autre grande réforme. depuis des décennies, les gouvernements canadiens ont recours à des taxes de vente fédérales sur les produits manufacturés. Cette taxe est généralement considérée comme inefficace et nuisible pour le secteur manufacturier canadien, pour lequel elle constitue un handicap. Les revenus qu’elle génère sont insuffisants mais, comme telle, le gouvernement en a besoin car Mulroney connaît chaque année des déficits. s’inspirant de la nouvelle-Zélande, qui, dans les années 1980 et 1990, est un modèle de réforme fiscale et économique dans le monde anglophone, le gouvernement Mulroney propose une taxe de vente fédérale beaucoup plus globale, la taxe sur les produits et services ou tPs. Les nouvelles taxes ont toujours des effets politiquement imprévisibles et il ne sert à rien de soutenir que la tPs est meilleure que la taxe qu’elle remplace. au terme d’un brutal combat au Parlement, au cours duquel Mulroney se sert d’une disposition obscure de la constitution (à laquelle personne n’a jamais eu recours) pour nommer quelques sénateurs supplémentaires, la taxe est adoptée.
nul ne peut douter que la tPs joue un rôle dans le déclin politique du gouvernement Mulroney ni qu’elle est particulièrement impopulaire dans l’Ouest canadien, y compris dans le cœur conservateur de l’alberta où, situation unique au Canada, il n’y a pas de taxe provinciale sur la vente et où l’idée même de ce genre de taxe est intolérable. Bien que le cabinet de Mulroney compte un certain nombre de ministres solides et de premier plan en provenance de l’Ouest du pays, les Canadiens de l’Ouest n’ont pas confiance en la propension du premier ministre à plaire au Québec et à favoriser cette dernière province dans sa politique. C’est tout particulièrement le cas avec un lucratif contrat d’entretien de la flotte de chasseurs F-18 dont la force aérienne vient tout juste de faire l’acquisition (c’est le gouvernement trudeau qui les a achetés). Pour des raisons économiques et d’efficacité, la force aérienne était favorable à une société de Winnipeg ; en 1987, le gouvernement donne le contrat à une société montréalaise afin de renforcer le
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