Une histoire du Canada
suprême.
16•marasmeeTexplosiondanslesannées1980
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Mulroney et ses ministres prennent bien soin de sonder les provinces.
L’Ouest entretient certaines préoccupations, surtout l’alberta, où la réforme du sénat apparaît comme une panacée au rétablissement de l’équilibre entre les grandes populations de l’est et les richesses naturelles de l’Ouest.
Là-bas, le sujet sous-jacent est « plus de Pen », que l’on aurait pu éviter avec un sénat égal (même nombre de sénateurs pour chaque province), élu (libéré du contrôle exercé par le premier ministre du moment et sans doute plus ouvert aux réclamations locales) et efficace (ressemblant davantage au sénat américain). ensemble, ces trois éléments constituent le slogan triple e, qu’un agriculteur enthousiaste laboure dans son champ de blé pour qu’on puisse le voir de très haut quand on passe en avion. Mulroney parvient à persuader le premier ministre progressiste-conservateur de l’alberta, don Getty, de commencer par négocier le programme du Québec ; ce sera ensuite le tour de l’alberta.
au mois d’avril 1987, les premiers ministres se réunissent à la retraite rurale du gouvernement au lac Meech, au Québec, dans les collines de la Gatineau, au nord d’Ottawa. Mulroney souhaite obtenir l’approbation de ses hôtes sur les cinq points concernant le Québec et l’obtient. rien de surprenant à cela puisque Mulroney offre collectivement aux provinces un lot fabuleux de concessions. Le pouvoir fédéral de faire des nominations à la Cour suprême et au sénat est transmis aux provinces ; à l’avenir, le premier ministre pourra nommer des juges et des sénateurs faisant partie de listes remises par les premiers ministres provinciaux. Le Québec obtiendra un droit de véto sur les amendements constitutionnels, comme il le réclame, mais toutes les autres provinces l’obtiendront également. et, afin de s’assurer que cette entente constitutionnelle ne sera pas la dernière, les premiers ministres fédéral et provinciaux se réuniront chaque année pour discuter de… la constitution. tout cela donne à penser que le Canada aura bien plus un kaléidoscope qu’une constitution. Le Québec, en particulier, aura droit au titre de « société distincte » et cette expression fera partie du préambule de la constitution amendée. Les opinions des experts diffèrent quant à savoir si cette prise de position donnera ou non au caractère distinct du Québec une position privilégiée dans l’interprétation des dispositions ultérieures, mais on ne saurait écarter cette possibilité.
Ces amendements prennent le nom d’accord du lac Meech, bien que les parties ne finiront par s’entendre à ce sujet que lors d’une conférence tenue à Ottawa au mois de juin suivant. Mettant à profit ses formidables talents de négociateur, Mulroney rallie les premiers ministres, l’un après l’autre, à sa cause. Le dernier à franchir le pas est le premier ministre libéral de l’Ontario, david Peterson, qui finit lui aussi par accepter l’argument selon lequel il devrait le faire pour le bien de l’unité nationale (Peterson a certaines appréhensions quant à ce que le Québec va faire pour affirmer sa 448
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« société distincte »). À l’aube du 3 juin 1987, Mulroney annonce à des médias médusés la fin du « tour du Québec » dans les négociations constitutionnelles pendant que les premiers ministres retournent en chancelant vers leur hôtel respectif pour aller se coucher.
L’accord du lac Meech est un acte de foi et de confiance : confiance envers le Québec, confiance envers les provinces, confiance envers la bonne volonté, confiance aveugle aux yeux de ses détracteurs, qui ne tardent pas à s’exprimer. Pierre trudeau est le critique le plus acerbe de l’accord du lac Meech. s’exprimant en français et en anglais, il condamne cet accord qu’il qualifie d’affaiblissement inacceptable de la capacité du gouvernement fédéral de parler au nom du Canada. « en plus de céder aux provinces d’importants éléments de sa juridiction (droit de dépenser, immigration) », écrit trudeau dans une déclaration publiée à la fois dans La Presse et le Toronto Star , « en plus d’affaiblir la Charte des droits, l’état canadien subordonnait aux provinces son pouvoir législatif (sénat) et son pouvoir judiciaire (Cour suprême) ; et il le faisait sans espoir de retour (droit
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