Une histoire du Canada
le gouvernement ne subvient pas à leurs besoins ni ne répond à leurs désirs. en raison du régime constitutionnel, le gouvernement nommé étant indépendant de l’assemblée élue, toute solution au problème est impossible. Les retards dans les réponses, ou le refus de répondre, de la part des gouverneurs locaux ou du Colonial Office à Londres suscitent l’exaspération et finissent par radicaliser les dirigeants politiques locaux.
Les politiciens réformistes locaux disposent d’une arme. s’ils peuvent réunir une majorité à l’assemblée, ils seront en mesure de refuser de financer le gouvernement en lui versant des impôts. de son côté, le gouvernement cherche des façons de lever des fonds sans demander de l’argent à l’assemblée. La manière la plus facile d’y parvenir consiste à imposer des droits, répartis au prorata entre le Haut et le Bas-Canada, et à vendre des terres domaniales. si l’on en vend beaucoup, les gouverneurs et leurs fonctionnaires et partisans pourront utiliser ces revenus pour assurer leur subsistance. de toute manière, cela correspond aux grandes visées du gouvernement dans les deux Canadas après 1815 : assurer le peuplement et le développement des provinces. il y a une certaine urgence à vendre et peupler les terres vacantes car, au milieu des années 1820, certaines choses 7•TransformaTionseTrelaTions,1815–1840
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semblent indiquer que le gouvernement impérial ne subventionnera pas éternellement les colonies nord-américaines20.
au Haut-Canada, le peuplement aurait dû être une affaire relativement simple. Le gouvernement est à la recherche de colons, soit directement soit par un intermédiaire quelconque, un agent de colonisation ou une compagnie foncière, par exemple. il arrive au gouvernement impérial d’encourager l’émigration, en installant des régiments dissous dans la colonie après les guerres napoléoniennes ou en encourageant des populations excédentaires, surtout en irlande, à émigrer.
de tous les plans de peuplement, le plus extraordinaire est celui de la Canada Company, une inspiration d’un romancier écossais, John Galt : il achète au gouvernement du Haut-Canada de vastes étendues de terres : 2,5 millions d’acres (un million d’hectares) au prix de trois shillings et six pence l’acre, soit l’équivalent de 195 000 $, payable en seize ans21. Y
voyant une autre source de revenu pour le Haut-Canada, le gouvernement britannique est ravi. en dépit de revers de fortune au début – à un moment donné, Galt est incarcéré pour motif de dette – la compagnie est rentable et elle finira par connaître une longue existence. Ce n’est que dans les années 1950 qu’elle vendra son dernier lot et qu’elle liquidera ses affaires22.
La politique foncière subit d’autres changements. Bien que les vétérans et les Loyalistes continuent à se voir octroyer gratuitement des terres, tous les autres paient comptant. La limite du peuplement se déplace vers le nord et l’ouest, jusqu’au bord du Bouclier canadien en 1850 et jusqu’au lac Huron vers l’ouest. Pendant les années 1820 et 1830, la population du Haut-et du Bas-Canada explose pratiquement. au Haut-Canada, cela est essentiellement attribuable à l’immigration mais au Bas-Canada, d’autres éléments entrent en jeu.
LE BAS-cAnADA
Le Bas-Canada doit son caractère unique à la langue, plus exactement à la différence de langue. Certes, il y a de l’immigration, surtout en provenance des îles Britanniques. Par conséquent, certaines régions du Bas-Canada prennent une petite tournure anglophone et, pendant une bonne partie du dix-neuvième siècle, Montréal est principalement une ville anglophone. Même Québec compte une forte minorité de langue anglaise.
il y a des enclaves anglophones au sud et à l’est de Montréal, entre les anciennes seigneuries et la frontière américaine, les Cantons-de-l’est ; et on trouve des locuteurs anglais dans certaines poches autour de la Gaspésie et le long de la côte nord du saint-Laurent, la côte du Bas-Labrador. La 152
UnE HIsTOIRE dU Canada
majorité francophone garde plus ou moins sa proportion démographique et croît en nombre. alors que les Canadiens français étaient jusque là concentrés dans la vallée du saint-Laurent, ils s’étendent graduellement, pendant les années 1830, vers des régions jusqu’alors occupées par des anglophones.
simultanément, l’agriculture transforme la
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