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Une veuve romaine

Une veuve romaine

Titel: Une veuve romaine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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serviteur dormait recroquevillé en suçant son pouce, serrant une pêche dans l’autre main. Il se tenait tellement immobile qu’il donnait l’impression de ne pas respirer. Craignant le pire, Hyacinthus le secoua, mais l’enfant se réveilla et disparut en marchant de travers.
    Je restai un moment à balayer la pièce des yeux, à la recherche d’indices. Je me dis inconsciemment que les taches de vin sur les nappes, et l’huile d’une lampe renversée sur le dessus d’une couche, allaient poser de sérieux problèmes à la lingère des Hortensius. Je donnai un coup de pied dans un petit pain durci resté sur le sol.
    — Qui se trouvait ici ce soir, Hyacinthus ? Quels membres de la famille ?
    — Les trois hommes et les deux femmes.
    — Les invités ?
    — Un seul. Une relation d’affaires.
    — Et Severina. Ce qui fait sept personnes. (Ils n’avaient pas dû être gênés, sur ces immenses couches.) Quel était le plan de table ?
    — Ce n’est pas du tout mon domaine, Falco. Pour ça, tu dois t’adresser au chambellan.
    L’ayant déjà rencontré, je l’imaginais tout imbu de lui-même, et me soûlant de paroles. Il pouvait attendre.
     
    Je parcourus lentement le triclinium, mais rien de particulier n’attira mon œil. Des flacons de vin, des jarres d’eau, des bols d’épices et des passoires se trouvaient encore sur les tables de service. La seule trace de nourriture consistait en une structure compliquée, installée sur la table basse centrale. Il s’agissait en fait d’un arbre en or guilloché, dont les branches aux formes torturées étaient chargées de vrais fruits : grappes de raisins et abricots.
    Je restai un long moment perdu dans mes pensées, tandis que Hyacinthus restait prostré sur un lit de repos. Notre silence fut soudain interrompu par un homme qui entra bruyamment dans la salle à manger.
    — Quelqu’un est mort, hein ?
    — C’est dans le domaine du possible, répondis-je sombrement, en regardant de haut le nouveau venu.
    Il avait le front haut, la bouche large, le nez deux tailles trop grand, et des yeux marron perçants. De taille moyenne, il occupait pourtant tout l’espace, et exsudait autant d’énergie qu’un moulin crétois bien huilé par grand vent.
    — Qui t’a mis au courant ?
    — Une fille de cuisine. Elle est venue en courant m’apprendre la nouvelle.
    — Pourquoi ? Qu’est-ce que tu as à voir là-dedans ?
    — Si tu penses que c’est la nourriture qui a empoisonné Novus, intervint Hyacinthus en relevant la tête, il se dit que tu vas l’accuser. C’est lui le chef cuisinier, Falco !
     
    —  Novus !
    Le chef cuisinier aux yeux sauvages s’immobilisa. Il était visiblement très ennuyé.
    — Commence par me dire ton nom.
    — Les gens d’ici m’appellent Viridovix, répondit-il, très raide. Et si mon maître a bien été empoisonné, tu as sûrement envie d’en parler avec moi ?
    — Si c’est toi le chef, commentai-je, je pense que tous les gens qui ont mangé ici ce soir vont avoir envie d’en parler avec toi !
    Si j’avais eu besoin d’une confirmation que la famille Hortensius était constituée de parvenus mal dégrossis, il m’aurait suffi d’apprendre qu’ils possédaient un chef cuisinier gaulois.
    Cela faisait cent ans que Rome avait décidé de civiliser la Gaule. Depuis lors, nous avions évolué du génocide – organisé par Jules César – à la tentative d’apprivoiser les tribus gauloises en leur faisant des cadeaux, ce qui coûtait en fait moins cher au Trésor public : des coupes, du vin italien, et les rites les plus rodés de la démocratie pour leurs gouvernements locaux. Résultat : les Gaulois avaient commencé à établir une multitude de studios d’artistes à Rome, et à poser pour servir de modèles à des « barbares en train d’agoniser ». Partis de là, ils en étaient venus à établir une imposante classe moyenne de bureaucrates du style d’Agricola. De nombreux Gaulois venaient du forum Julii, doté d’une université (ou de ce qui en tenait lieu), et d’un port leur permettant de quitter Rome à leur convenance.
    Je suis prêt à reconnaître qu’un jour, les trois provinces gauloises glaciales seront en mesure d’apporter leur contribution à une forme d’art civilisé, mais personne ne parviendra à me convaincre que ce sera dans le domaine culinaire. Même animé de cette profonde conviction, je ne pensais pas pour autant que Novus était mort

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