Une veuve romaine
empoisonné pour l’unique raison qu’il avait un cuisinier gaulois. Au cours du dîner, il avait mangé quelque chose qui l’avait tué, aucun doute là-dessus, mais cela n’avait rien à voir avec le chef.
Pour l’instant, ma priorité était de calmer Viridovix. Pensant que son agitation s’apaiserait peut-être en l’absence d’un deuxième spectateur, je fis un clin d’œil à Hyacinthus qui comprit tout de suite, et s’en alla sans se faire prier.
— Je suis Didius Falco. J’enquête sur cette tragédie et – franchement ! – après avoir découvert le corps de ton maître, j’ai besoin de vider un gobelet. En considérant le fait qu’il a été empoisonné, je suis sûr que tu auras envie de te joindre à moi. Essayons de trouver quelque chose qui n’a pas été dangereusement bricolé…
Je le fis asseoir, en espérant que cela l’aiderait à se tenir tranquille. Mon attention fut alors attirée par un flacon de verre bleu ciel décoré de motifs argentés, dont le bouchon avait été retiré pour laisser le vin respirer. Cela ne pouvait être que du premier choix. Le vin, couleur d’ambre, vraisemblablement réservé aux toasts d’après-dîner, emplissait le carafon jusqu’au col. Pour une raison ou une autre, les dîneurs n’y avaient pas goûté. J’essayai de me persuader que tout ce qui était destiné à être partagé par tous les invités n’offrait aucun danger. J’étais conscient de prendre un gros risque, mais il était clair que Viridovix avait besoin d’un remontant, et moi, je mourais de soif.
— Voilà qui devrait faire l’affaire.
J’avais bien l’intention de boire tel quel ce liquide, sans doute très vieux, et aussi épais qu’un nectar. Comme Viridovix préférait ajouter des épices, je pris une petite coupelle également en verre bleu, et en vidai le contenu (myrrhe et cassis, si mon nez ne me trahissait pas) dans sa coupe.
Une toute petite gorgée suffit à me faire regretter que Petronius ne soit pas ici pour apprécier cette merveille avec moi. J’étais sûr qu’il s’agissait d’un Falernian vieux de quinze ans. Je venais de reconnaître la façon dont il coulait le long de ma gorge comme du verre en fusion, et la douce brûlure qui s’ensuivait. C’était précisément le vin que Petronius avait coutume de m’offrir pour son anniversaire, en ajoutant que c’était dommage de gaspiller cette noble liqueur pour un barbare dans mon genre, mais qu’il n’était pas concevable de boire du Falernian tout seul – une philosophie que j’encourageais vivement.
Pendant un petit moment, nous nous concentrâmes sur le contenu de nos coupes. Soudain, le cuisinier m’apparut moins pâle.
— Tu te sens mieux ? Le fait est, Viridovix, que Novus est mort empoisonné, mais que personne ne va te coller le blâme sur le dos, à moins que tu n’aies eu une raison de lui en vouloir… (Je tenais à rappeler au cuisinier, tout en lui offrant ma protection, que quand un citoyen mourait de mort violente, les premiers suspects étaient ses esclaves.) La meilleure chose que tu puisses faire pour t’innocenter…
— Je n’ai rien à me reprocher.
— J’en suis sûr.
— Mais d’autres risquent d’avoir envie de m’accuser.
Son attitude réaliste me plaisait.
— Cette envie leur passera si je parviens à identifier le coupable. (Viridovix parut indécis.) On m’a précisément engagé pour empêcher ce meurtre, grommelai-je. Alors ta réputation n’est pas la seule en jeu, mon ami.
Mon humeur morose avait achevé de le convaincre. Après l’avoir laissé se délecter d’une nouvelle gorgée de vin, je lui demandai de me détailler le menu. En vrai perfectionniste, il l’avait encore en sa possession, écrit sur un morceau de parchemin qu’il gardait dans une poche attachée à sa ceinture.
DÎNER POUR SEPT,
ORGANISÉ PAR HORTENSIUS NOVUS
HORS-D’ŒUVRE
Salade de laitue et feuilles de mauve
Œufs de paonne
Saucisses en anneau
Huîtres à la Hortensius
Cœurs d’artichauts, olives
PLATS PRINCIPAUX
Lièvre sauce au vin
Homard au safran
Daube de porc au laurier
Grue sauvage
Beignets de flétan
Potée de petits pois
Estouffade de poireaux et oignons
Fenouil, champignons
DESSERTS
Fromages blancs
Fruits présentés sur l’Arbre des Hespérides
Pâtisseries
VINS
AVEC LES HORS-D’ŒUVRE : Muslum (première pression), réchauffé avec du miel et des épices.
AVEC LES PLATS PRINCIPAUX :
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