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Vers l'orient

Vers l'orient

Titel: Vers l'orient Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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était épouvantable à regarder.
    — Tiens, au fait..., lança-t-il d’un ton délirant,
comme s’il divaguait. Si je n’y prends garde, je pourrais bien devenir une
sorte de philosophe moraliste, dernier refuge à la condition d’eunuque. Dieu
m’en garde ! Un moraliste est plus à craindre qu’un sensualiste, no xe
vero ? Bien sûr que je choisis de vivre ! Commençons donc le
traitement dès que possible... Demain, ça ira ?
    Il enfila son volumineux manteau.
    — Comme vous l’avez prescrit, pendant que
j’éprouve encore quelques désirs, autant les assouvir. Tant que j’ai encore un
peu de jus, allons nous vautrer dans le stupre, pas vrai ? Bon,
excusez-moi, gentilshommes. Ciao.
    Et il nous planta là, claquant vigoureusement la
porte.
    — Le patient fait front avec bravoure, murmura le hakim.
    — C’est ce qu’il a de mieux à faire, fit remarquer
mon père, songeur. Le marin le plus enragé, après avoir vu couler sous ses
pieds tant de bateaux, sera soulagé d’aborder une terre plus tranquille.
    — Qu’Allah m’en préserve ! laissa échapper
Narine. Euh, c’est juste un avis, mes bons maîtres. Mais aucun marin ne se
réjouira d’être démâté. Particulièrement un homme de l’âge de maître Matteo...
lequel n’est pas très éloigné du mien. Pardonnez-moi, hakim Mimbad, mais
ce sinistre kala-azar peut-il être... contagieux ?
    — Oh, non. Pas de danger, si vous n’avez pas été
vous-même piqué par la mouche du mauvais génie.
    — Bon, mais malgré tout..., ajouta Narine, mal à
l’aise, j’aimerais bien... vérifier. Si mes bons maîtres n’ont pas d’ordre
urgent à me donner, je leur demanderais volontiers de bien vouloir m’excuser.
    Il prit alors la poudre d’escampette, et je ne tardai
pas à l’imiter. Le superstitieux et craintif esclave n’avait sans doute pas été
rassuré par l’avis du docteur. Moi si. Mais à tout hasard...
    Lorsque l’on se trouve confronté à la mort de quelqu’un,
comme je l’ai déjà expliqué, on commence par déplorer la disparition du défunt,
mais aussitôt après (même si cela reste secret et inconscient), on se réjouit
d’être encore vivant. Moi qui venais d’assister à une demi-mort, à une mort
localisée, dirais-je, je bénissais le Ciel d’être toujours intact et, comme
Narine, j’étais un peu anxieux de vérifier que tout allait toujours bien. Je me
rendis droit chez Shimon.
    Je n’y croisai ni Narine, ni mon oncle. L’esclave
avait dû chercher un garçon accessible parmi les kuch-i-safari, et il
n’était pas impossible qu’oncle Matteo l’eût imité. Je réclamai derechef au
Juif ma fille à la peau tannée, Chiv. Lorsque je la retrouvai, je lui rendis un
hommage si énergique qu’elle émit, extasiée, quelques mots romm de plaisir
extrême – tels «  yilo ! », « friska ! » et
même «  alo ! alo ! alo ! » —, et je fus saisi
d’un profond sentiment de tristesse et de compassion à l’égard de tous les
eunuques, sodomites, castrats et handicapés de toute sorte, qui jamais ne
pourraient connaître le plaisir de faire chanter à une femme cette douce
mélodie.

 
38
    Lors de ma visite suivante à la maison de passe de
Shimon (elles étaient assez fréquentes, une ou deux par semaine), je demandai à
ravoir Chiv. J’étais totalement satisfait par sa façon de pratiquer la surata et avais presque cessé de prêter attention à la couleur qahwah de sa
peau. Sachant qu’aucune des autres pensionnaires de Shimon n’égalait Chiv tant
par la beauté du visage que par la grâce du corps, je n’étais pas disposé du
tout à essayer les autres couleurs ou races que le Juif pouvait avoir en
magasin. Mais la surata ne fut pas mon unique divertissement, au cours
de l’hiver. Il se passait sans cesse, à Buzai Gumbad, des choses nouvelles pour
moi et donc susceptibles de m’intéresser. Lorsque j’entendais du bruit à un
endroit, sans même savoir s’il s’agissait de quelqu’un qui avait marché sur un
chat ou du début d’un concert de musique traditionnelle, je me rendais sur
place pour juger de ce qui se profilait. Je pouvais fort bien ne tomber que sur
un mirasi ou un najhaya malang, mais ce pouvait tout aussi bien
être un spectacle plus digne d’intérêt.
    Un mirasi n’était rien d’autre qu’un chanteur,
mais d’un genre assez particulier puisqu’il ne faisait que mettre en musique
l’histoire d’une famille. Sur demande, et contre

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