Vers l'orient
un atout
imparable contre le djinn et vous guérira à coup sûr du kala-azar. Si
vous commencez dès maintenant à en absorber en quantités très limitées, et si
vous continuez à en prendre selon la posologie que je vous prescrirai, vous
vous sentirez rapidement mieux. Vous regagnerez bientôt le poids que vous avez
perdu. Votre force reviendra. Vous serez de nouveau en pleine santé. Mais le stibium est le seul remède.
— D’accord, où est le problème ? Il suffit
de guérir une fois, vous savez ! Je m’y mettrai volontiers.
— J’ai le regret de vous dire que le stibium, s’il
arrête le kala-azar, présente en même temps un danger pour une autre
partie du corps. (Il marqua une pause.) Vous êtes sûr de ne pas vouloir
poursuivre cette conversation en privé ?
Oncle Matteo hésita, nous jeta un regard, mais carra
ses épaules et grogna :
— Quoi que vous ayez à dire, allez-y.
— Le stibium est un métal lourd. Quand il
est ingéré, il transite du bas de l’estomac dans la zone des viscères, tout en
semant le bien partout où il passe, subjuguant le mauvais génie du kala-azar. Mais, vu son poids, il finit par s’accumuler dans la partie basse du corps,
j’entends par là le sac contenant les parties viriles.
— Eh bien alors, mes couilles pèseront plus lourd...
Je suis assez solide pour les porter, je pense !
— Je suppose que vous êtes un homme qui aime,
euh... leur donner de l’exercice. Aussi, maintenant que vous souffrez de la
maladie noire, ne perdez plus de temps. Si vous n’avez pas de petite amie sur
place, je vous recommande de vous hâter d’aller rendre visite au bordel local
tenu par le Juif Shimon.
Oncle Matteo aboya un gros rire, sans doute plus
facile à interpréter pour mon père ou pour moi que pour le hakim Mimbad.
— Je ne vois pas le rapport. Pourquoi devrais-je
faire cela ?
— Pour vous servir de vos attributs virils tant
que vous le pouvez encore. Je serais à votre place, Mirza Matteo, je me
dépêcherais de m’adonner à la zina. Vous êtes voué ou à être
horriblement défiguré par le kala-azar, avant d’en mourir... ou alors,
si vous voulez guérir et rester vivant, vous devez immédiatement avaler le stibium.
— Que voulez-vous dire, par « si je
veux guérir » ? Bien sûr, que je veux me soigner !
— Réfléchissez-y. Beaucoup préféreraient mourir
de la maladie noire.
— Au nom du Ciel, mais pourquoi ?
Expliquez-vous clairement, à la fin !
— Parce que le stibium, en s’accumulant
dans votre scrotum, commencera aussitôt à y produire des effets délétères... et
pétrifiera vos testicules. Très vite, et pour le reste de votre vie, vous serez
impuissant.
— Gèsu.
Tout le monde se tut. Il régna un silence terrible
dans la pièce, que personne ne semblait assez brave pour rompre. Finalement,
oncle Matteo reprit la parole, pour articuler avec amertume :
— Quand je vous ai qualifié de docteur Balanzôn,
je ne croyais pas si bien dire. La situation qui se présente à moi ne manque en
effet pas de sel, désormais : ou je meurs misérablement, ou je survis
émasculé.
— C’est le seul choix. Et la décision ne peut
attendre.
— Je serai un eunuque ?
— En effet, oui.
— Sans aucune capacité ?
— Aucune.
— Mais... peut-être... dar mafa’ul be-vasilè
al-badàm ?
— Nakher. Le badàm, ou troisième testicule, sera lui aussi pétrifié.
— Pas d’issue de secours, alors. Capbn
malcaponà [30] . Mais... subsistera-t-il du désir ?
— Nakher. Même
pas cela.
— Ah... mais très bien, dans ce cas ! (Oncle
Matteo nous surprit tous en arborant soudain un air plus jovial que jamais.)
Pourquoi ne l’avez-vous pas dit tout de suite ? Quelle importance que je
ne sois plus en fonction si je n’en ai plus aucune envie ? Enfin, pensez
donc ! Pas de désir... pas d’envie, donc aucun dommage ni séquelle à
redouter. Je pourrais faire l’admiration de tout prêtre qui a un jour été tenté
par une femme, un enfant de chœur ou un succube !
Je pensai, à part moi, qu’il n’était pas aussi jovial
qu’il le prétendait.
— De toute façon, peu de mes désirs auraient pu
se réaliser. Le dernier a coulé sous une terre tremblante. Peut-être n’est-il
pas si mal, finalement, que le génie de la castration ait jeté son dévolu sur
moi, plutôt que sur quelqu’un animé de désirs plus dignes !
Il laissa fuser un nouveau rire, mais sa jovialité
feinte
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