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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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signe le bulletin : « 21 janvier 1901. La reine est morte paisiblement à 6 h 30. » Dans la lumière de l’aube, les reporters à vélo font la course vers le bureau de poste d’East Cowes ; c’est à qui télégraphiera le premier la nouvelle.
    Le roi traverse le Solent, qu’agite un grain passager, et se rend au palais St James de Londres, pour y tenir le premier Conseil privé qui proclamera son accession.
    « J’ai résolu d’être connu sous le nom d’Édouard, qui fut porté par six de mes ancêtres. En faisant cela, je ne déconsidère pas le nom d’Albert, que j’hérite de mon grand et sage père, à jamais lamenté, qui de l’avis de tous, je pense, mérite d’être connu sous le nom d’“Albert le Bon”, et je désire que son nom brille seul. »
    L’empereur Guillaume II a lui-même pris les mesures du corps de sa grand-mère pour le cercueil, où Victoria repose maintenant dans la chapelle, toute de blanc vêtue, sur un piédestal drapé de l’Union Jack. Dans le parfum entêtant des camélias, les grenadiers de la Garde, relevés toutes les heures, exercent leur ancien privilège de veiller sur la dépouille royale. Les Tuniques rouges ont le menton sur la poitrine, un brassard noir au bras gauche, les mains croisées sur le pommeau de leur épée, tout leur poids sur une jambe, l’autre genou coudé. De temps à autre, à intervalles imprévisibles, ils passent d’un pied sur l’autre, faisant dodeliner leur bonnet d’ours lamentablement incliné en avant.
     
    Ce soir-là, sur le Solent, le petit yacht Alberta emporte lentement les restes de Victoria vers Londres. Les lignes obliques de ses deux cheminées et de ses trois mâts sans voile se détachent sur une mer lisse que dore le soleil couchant. Il est suivi par des bâtiments de plus grande taille : l’ Osborne et le Victoria & Albert de la famille royale, puis la masse imposante du Hohenzollern , le palace flottant de l’empereur Guillaume II. Les navires de guerre de la Royal Navy lui font un couloir de onze miles. L’un après l’autre, les cuirassés saluent en donnant du canon. Tandis que la ligne des panaches de fumée que soufflent leurs flancs s’en va vers Portsmouth, l’écart se creuse entre l’éclair et la détonation. Il s’amenuise de nouveau lorsque la canonnade continue revient en direction de Cowes, avant de repartir indéfiniment dans l’autre sens. La brise étire sur l’eau cette brume à l’odeur de poudre qui rougeoie dans le crépuscule. Le roi Édouard VII, debout sur le pont d’un croiseur, voit que l’étendard royal flotte en berne à mi-hauteur de la hampe et s’en étonne.
    « La reine est morte, sire.
    — Le roi d’Angleterre vit. »
     
    Les navires restent à l’ancre toute la nuit. Le lendemain, le train spécial arrive à Victoria Station. Le cortège funèbre se dirige vers la gare de Paddington. Une foule silencieuse, dont les femmes sont absentes, se masse dans Londres, où les dernières volontés de Victoria interdisent les habituelles draperies noires et pourpres du deuil. Sur un affût de canon tiré par huit chevaux crème conduits par des postillons en livrée vermillon, le cercueil drapé de blanc et or, surmonté de la couronne, à demi recouvert des couleurs royales, paraît aussi petit que celui d’un enfant. Les roulements amortis des tambours se mêlent à la mitraille des fers sur le pavé et au cliquetis des armes ballantes.
     
    À la gare de Windsor, la procession se reforme. Les chevaux, rétifs d’avoir attendu trop longtemps dans le froid, avancent par à-coups et cassent les traits. Le roi Édouard, chevauchant à côté de l’empereur Guillaume, arrête le cortège d’un signe de la main. Déjà le défilé repart, les Tuniques bleues de la Royal Navy tirant eux-mêmes l’affût de canon qui porte le cercueil, jusqu’à la chapelle St George de Windsor. La nef, les cloîtres et les pelouses alentour sont couverts de milliers de bouquets et couronnes de fleurs que la foule nombreuse y a déposés. La reine a voulu un office bref, où la Marche funèbre de Haendel soit remplacée par des airs de Beethoven et de Chopin.
    Puis de nouveau le charroi s’ébranle, traverse le château de Windsor et se dirige vers la forêt, au son désolé des cornemuses. Le cercueil entre dans le mausolée de Frogmore, passant sous le linteau où Victoria fit autrefois graver pour Albert : «  Vale desideratissime . Adieu, très aimé. Ici enfin je

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