Victoria
sur les listes de morts et de blessés : « Mon cœur saigne pour ces affreuses pertes. » La guerre s’annonce plus longue que prévu, et le gouvernement fait voter de nouveaux impôts pour la financer. Victoria intervient pour qu’ils ne pèsent pas sur la classe ouvrière.
« J’espère sincèrement, écrit-elle à Salisbury, que les taxes supplémentaires, nécessaires pour subvenir aux dépenses de la guerre, ne tomberont pas sur la classe laborieuse. »
En France et en Allemagne, la presse et l’opinion publique fustigent l’Angleterre. En novembre, les forces britanniques sont toujours tenues en échec par les Boers. Le général en chef, Henry Redvers Buller, recule et ses soldats dégoûtés le surnomment « Sir Reverse ».
L’empereur Guillaume, à qui sa grand-mère ferme sa porte, rentre par la fenêtre du prince de Galles. Il vient prendre le thé avec Bertie. Montrant du doigt l’antique tour Ronde de Windsor, il ironise : « De cette tour le monde est gouverné ! »
Victoria reçoit l’équipage et le personnel médical du navire-hôpital Maine , qui s’en va secourir les soldats blessés en Afrique du Sud. C’est un bâtiment de la Baltimore Shipping Company, affrété par des fonds américains, à l’initiative de Lady Jennie Churchill, l’épouse de Sir Randolph. Son fils, Winston Churchill, élève de l’Académie militaire de Sandhurst, est parti comme correspondant de guerre pour le Morning Post . Fait prisonnier dans une embuscade à laquelle il a vaillamment résisté, détenu dans un camp à Pretoria, il s’évade pour rejoindre la division du général Bulwer. Winston a 25 ans. Victoria s’inquiète de la jeunesse des médecins du Maine . « Ils n’en sont que plus énergiques », lui répond Lady Jennie.
Le 14 décembre 1899, trente-huitième anniversaire de la mort d’Albert, coïncide cette année avec une « semaine noire » pour les armées de Sa Majesté. Les forces britanniques subissent coup sur coup trois débâcles, à Stromberg, Magersfontein et Colenso, où ils déplorent près de trois mille tués, blessés ou prisonniers. Victoria appuie la décision du ministère de la Guerre d’envoyer les généraux Roberts et Kitchener pour relever Buller.
Tandis que le nouveau commandement en chef fait route vers Le Cap, la reine donne un grand thé de Noël pour les femmes et les enfants des militaires de Windsor qui combattent en Afrique du Sud. De son fauteuil roulant, elle regarde tous ces petits attablés, servis par ses ladies et ses gentlemen, ainsi que par les membres de la famille royale. Puis elle participe elle-même à la distribution les cadeaux amoncelés sur les tables au pied des sapins.
Le 1 er janvier 1900, Victoria télégraphie ses meilleurs vœux à Sir Redvers Buller. La reine met un point d’honneur à soutenir personnellement ses généraux, surtout dans l’adversité. Car, comme pour la Crimée, le commandement militaire est sévèrement critiqué. Toutefois, Victoria insiste pour que l’enquête qui s’impose soit différée. Elle écrit à son ministre de la Guerre : « La Reine doit faire très vivement part à Mr Balfour de la nécessité de résister à ces critiques très antipatriotiques et très injustes de nos généraux et de leur conduite de la guerre. Si le gouvernement est ferme et courageux, le pays le soutiendra. Sinon, les nombreux espions boers télégraphieront en Afrique du Sud et cela fera beaucoup de mal. Vous devez tous montrer que vous faites fermement front, et ne pas laisser supposer un seul instant que nous vacillons le moins du monde. Une enquête pourra être menée après la guerre, mais pas maintenant. Il ne fait pas de doute que le ministère de la Guerre est grandement en faute, mais c’est tout le système qui doit être changé, et cela ne peut pas être fait en ce moment. »
Sur le terrain, de nombreux Zoulous sont engagés dans le conflit aux côtés des Britanniques. Victoria s’inquiète des représailles que les Boers pourraient exercer contre eux.
« Je vous prie, écrit-elle à son ministre, de me faire savoir quelles mesures vous avez l’intention de prendre pour protéger les Zoulous des attaques boers. Je suis sûre que vous êtes d’accord avec moi sur ce point : l’honneur nous fait obligation de soutenir mes sujets natifs. »
Après l’arrivée de Roberts et Kitchener au Cap en janvier 1900, la guerre tourne enfin à l’avantage des
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