Vidocq - le Napoléon de la Police
de Bourbon-Infanterie. Stationné à Arras,
je n’y fais que jouer aux cartes et me battre en duel. En six mois d’ennui,
quinze combats. J’ai tué deux adversaires et suis devenu un tel matamore qu’on
me surnomme « Sans-gêne ».
Puis, la guerre approche, les
menaces d’invasion, la désertion des officiers royalistes, tout s’accélère. Chacun
ne pense plus qu’à se battre pour sauver la République. La patrie est en
danger, les volontaires s’engagent, la tension monte.
« Cet orage et l’énervement
qu’il provoque font monter sa fièvre. C’est très mauvais. Et il pleut de plus
en plus », soupire le docteur Dornier, l’air soucieux en regardant les
gifles d’eau qui s’abattent sur les murs.
Il pleut de plus en plus depuis que
la guerre est déclarée avec l’Autriche, un vrai déluge. Finie l’inaction, nous
allons affronter nos ennemis, la coalition des Autrichiens et des Prussiens. Le
19 août 1792, ils entrent en France comme dans du beurre. Les villes se livrent
sans combattre et accueillent les royalistes prussiens comme des libérateurs. À
Verdun, on massacre les républicains avant d’ouvrir les portes aux
envahisseurs. Des habitantes viennent les féliciter dans leur camp. Depuis
cette date, il pleut jour et nuit sans discontinuer. Des trombes d’eau
transforment la campagne en bourbier. Notre armée se débande, officiers,
sous-officiers, les désertions sont tellement nombreuses que les soldats
élisent eux-mêmes leurs officiers. Je deviens caporal. Au régiment, on nous
traite de « bleuets » parce que nous n’avons jamais vu l’ennemi.
« C’est une chose de se battre en duel, une autre de se retrouver sur un
champ de bataille ! »
Pour une fois, je ne vais pas me
battre pour le plaisir mais pour la patrie. Alors on ne peut pas perdre. La
pluie sans discontinuer, et les grondements de l’orage nous accompagnent dans
notre marche contre l’ennemi. L’armée prussienne de Brunswick est renforcée par
tous les soldats français, nobles émigrés qui ont déserté nos rangs pour
revenir nous combattre. Ployant sous le poids de notre armement, nous
pataugeons dans la gadoue des chemins devenus des pièges boueux. Il fait froid
et nous sommes transis mais il faut continuer à avancer.
Le 20 septembre 1792 à onze heures
du matin, à travers des rideaux de pluie, on aperçoit au loin une colline
hérissée de moulins au pied de laquelle grouillent des bataillons. C’est Valmy.
L’ennemi est en face. Quinze siècles auparavant, l’invasion d’Attila et de ses
hordes a été repoussée au même endroit. On nous fait mettre en ordre de
bataille et la canonnade commence. La terre tremble, nous restons figés sur
place. Brunswick fait alors ouvrir le feu sur la butte de Valmy où se tiennent
nos généraux. Le cheval du général Kellermann s’écroule, tué net. Sortant de la
fumée, le général se relève et dans un brusque élan, pour éviter toute panique
et montrer qu’il n’est même pas blessé, plante son chapeau au bout de son sabre
et s’écrie : « Vive la Nation ! »
Aussitôt, nous mettons tous notre
chapeau au bout de notre baïonnette et chaque bataillon reprend ce cri jusqu’à
ce que les trente mille hommes hurlent ensemble ce cri de ralliement, pendant
un quart d’heure, recommençant encore et toujours avec plus de force. L’air en
vibre. Plus jamais, je n’aurai peur.
Lorsque la canonnade infernale est
terminée, je me retrouve couvert de sueur et de poussière, mais vivant, sauvé.
« Oui mon ami, vous êtes sauvé
car votre fièvre baisse. Ne vous agitez plus. Je vous ai donné un médicament
qui va vous faire du bien. Détendez-vous, respirez, cela va aller.
— Ah docteur, c’est vous. Je
revivais des moments de ma vie. J’étais à Valmy.
— Valmy ! La libération
du territoire. J’aurais voulu y être. Cela devait être extraordinaire.
— Oui. J’aurais pu rester
soldat devenir général, un Marceau, un Kléber, et gagner un bâton de maréchal,
au lieu de cela…
— Vous êtes devenu François
Vidocq. Un véritable héros !
— Allons donc, un héros.
Comme vous y allez docteur…
— Tous ceux qui ont entendu
parler de vos exploits sont fascinés. On ne compte plus vos évasions, votre
réussite est un exemple. Personne n’a vécu d’aventures aussi incroyables que
les vôtres. Envoyé injustement au bagne, vous n’avez cessé de vous évader et de
proclamer
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