Vidocq - le Napoléon de la Police
appartement.
« Venez vite, François est en
train de se battre à la taverne, il y a des blessés. Il y aura peut-être des
morts si vous ne l’arrêtez pas ! »
Ma mère laisse tout tomber. À peine
prend-elle le temps d’attraper son châle sur un fauteuil. Sans même enfiler ses
chaussures, elle sort en chaussons. Lorsque je la vois tourner le coin de la
rue, je rejoins Poyant déjà attablé devant le tiroir-caisse. Ayant sorti de sa
poche, un assortiment de « rossignols », il a vite fait d’en vider le
contenu. Deux mille francs que nous nous partageons aussitôt. Chacun part de
son côté. À moi l’Amérique et l’aventure !
J’arrive en diligence à Dunkerque et
file droit au port, admirant les grands bateaux et les immenses forêts de mâts
qui se balancent doucement le long des quais encombrés de cordages. L’un d’eux
va m’emmener au Nouveau Monde.
« Un navire pour
l’Amérique ? Mais mon gars, c’est la guerre ; les bateaux sont
bloqués ici. »
Partout la même raison, le blocus
garde les bateaux à terre. À Calais, même réponse. Je tente ma chance à
Ostende. Rien à faire. Rentrer à Arras n’est plus possible. Je cherche à lier
connaissance dans une taverne, un aimable courtier m’affirme qu’il peut
résoudre mon problème.
« Je connais un capitaine qui a
besoin d’un mousse. Fort comme vous l’êtes, ce sera facile. »
Tout heureux, je l’invite à boire.
Lui aussi, mais dans sa chambre. Lorsque je me réveille le lendemain, tout
étonné de m’être endormi sans m’en rendre compte, je n’ai plus que deux écus en
poche. Effaré, je descends trouver l’hôtelier pour me plaindre.
« Ah ! jeune homme vous
vous êtes fait avoir. Vous vouliez connaître la grande aventure et bien vous
avez rencontré un flibustier. Vous croyiez donc que les pirates ne
travaillaient qu’en mer ? Je suppose qu’il vous a tout pris ?
— Il m’a laissé ces deux
pièces », dis-je tout content, en montrant mes écus. Aussitôt l’aubergiste
s’en empare : « Cela paiera tout juste ce que vous me
devez ! »
L’orage gronde, toujours plus
terrible. Le docteur Dornier prend le pouls de son malade et lui soulevant ses
paupières, examine ses yeux : « Il délire, je fois faire baisser
cette mauvaise fièvre rapidement. Vous allez m’aider à le tenir, il faut que je
l’ausculte. » La pluie tambourine contre la vitre comme si elle voulait la
casser, chargeant l’atmosphère d’électricité.
Quel est ce roulement de tambour ?
Une parade. Paillasse et son maître, suivis d’une ménagerie ambulante,
s’arrêtent près d’un petit théâtre ambulant.
« Entrez, entrez. »
Et si je tentais ma chance. Une
aventure au cirque, c’est moins loin que l’Amérique mais tout aussi excitant. Paillasse
me présente au patron, le prestidigitateur et dresseur de fauves, Cotte-Camus.
« Que sais-tu
faire ? », me demande-t-il l’air avantageux.
« Rien.
— Parfait. Tu seras mon élève.
Apprends vite, si tu veux être payé un jour ! »
Et il me tend un balai. D’abord la
cage des animaux, ensuite la salle.
Dès que j’entre dans la cage, les
singes me sautent à la figure pour m’arracher les yeux. Lorsque j’ai fini, je
n’ai pour toute nourriture qu’un morceau de pain, si dur que je ne peux
l’entamer. Il ne me reste plus qu’à le jeter aux singes qui grâce à leurs
grandes incisives en viennent à bout. Trois semaines plus tard, j’ai tellement
faim que, parfois, la tête me tourne. Je suis maigre, mes habits, déchirés par
les primates, laissent voir la peau.
Comme je me plains, j’obtiens de
l’avancement. Mon maître me met entre les mains d’un de ses comparses, Balmate
qui m’enseigne l’acrobatie.
« Tu sautes ou tu reçois un
coup de fouet ! »
Au bout d’un mois de ce traitement
je suis zébré de partout mais je connais tous les sauts à la perfection :
de carpe, de singe, de poltron, de chaise, d’ivrogne et même la pirouette
arrière. Au premier grand écart, j’entends « crac », mais rien de
cassé. Bientôt, j’acquiers une souplesse prodigieuse. Tout cela me servira plus
tard pour mes évasions.
Un matin, mon maître me regarde.
« T’es maigre, t’as plus que
les os sous la peau, tes cheveux sont longs, la barbe hirsute, t’es presque nu.
Une décoction de feuille de noyer fera le reste. C’est parfait pour ton nouveau
métier, il faut juste te laisser
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