Vidocq - le Napoléon de la Police
Vidocq,
rendez-nous votre arme et veuillez nous suivre. »
Le peloton l’arrête. Depuis la
Révolution et la prise de pouvoir de Joseph Lebon, les prisons se sont
multipliées dans la ville. À celle des Baudets, se sont ajoutées celles de
l’abbatiale, du Vivier, des Capucins, de l’Hôtel-Dieu et des Dominicains.
Vidocq retrouve les Baudets. Son
père l’y avait fait enfermer, alors adolescent, histoire de lui apprendre à
être sage. En vain, son séjour ressemblait à celui qu’il aurait pu faire dans
une pension de famille, à peine moins confortable que sa propre maison, puisque
sa mère venait tous les jours lui apporter son repas. François Vidocq comprend
que l’atmosphère n’est plus la même. D’abord, il y a foule. Ensuite, on est au
secret, aucune communication avec la famille ou à l’extérieur n’est autorisée.
Le concierge décide de tout, en seigneur absolu.
Les salles communes sont bondées.
Les prisonniers sont détenus dans de grands réfectoires. Chacun essaie de se
trouver un coin de paille pour dormir la nuit, allant et venant dans la journée
jusqu’à la cour, pour se promener ou faire sa toilette à un grand abreuvoir.
Vidocq est enfermé avec les autres
et se rend rapidement compte que son sort, comme celui de tous les pensionnaires,
dépend des caprices du concierge, Beaupré.
Tous les matins, suivi de ses deux
dogues noirs, il arrive coiffé d’un grand bonnet rouge vif. Après un fracas de
grilles vigoureusement ouvertes et les bruits crissants des clefs, il regarde
ses prisonniers qui se figent dès qu’il apparaît. Sortant alors un papier de sa
poche, il lit avec lenteur la liste des futurs guillotinés, s’arrêtant entre
les noms pour désigner aux gardiens, les individus à emmener aux aides
bourreaux qui attendent dans le préau, pour les préparer.
Alors que le sinistre cérémonial
commence, Beaupré fronce les sourcils après avoir appelé le citoyen Roger
Picard et constaté qu’il n’est pas dans la salle.
« Il est pas là Picard ?
Perd rien pour attendre. Prenez celui-ci à sa place. » Désignant un frêle
vieillard qui n’a pas le temps de protester, il conclut avec
satisfaction : « J’aime que mes comptes tombent juste. »
Le soir de sa mise en détention,
Vidocq a comme voisin de paillasse, le comte de Béthune. Ils sont très à
l’étroit et le nouveau venu se tasse comme il peut, se faisant un oreiller de
sa veste.
« Vous êtes nouveau
venu ? » Lui tendant sa blague à tabac, il lui offre une prise.
Lorsqu’on l’appelle pour son procès,
le comte, sachant ce qui l’attend, serre la main de ses voisins et leur
distribue ses maigres biens.
Voyant cela, Beaupré
intervient :
« Citoyen Béthune, je te
rappelle la coutume, ce que tu laisses est à moi, n’est-ce pas ? » La
question est sans équivoque. Ses voisins se hâtent de lui rendre ses cadeaux.
Le comte enfile alors sa redingote. « Bien sûr, monsieur Beaupré. »
Le concierge s’empare de tout et le
poussant devant lui, réplique :
« Il n’y a plus de monsieur.
Nous sommes tous citoyens à présent. » Lorsque les condamnés partent pour
le tribunal, Beaupré ricanant de plaisir, lui lance : « Adieu,
citoyen Béthune. »
Stupeur, le soir-même le comte est
de retour. Acquitté en tant que comploteur mais maintenu en prison. Tous le
félicitent sauf le concierge. Cet élargissement ne fait pas son affaire
puisqu’il doit lui restituer tous ses objets. Deux heures plus tard, Beaupré le
convoque pour le conduire au greffe. Il a été se plaindre à la Commission et
convaincu ses membres de réviser la sentence. Le comte de Béthune est exécuté à
la lueur des flambeaux et le concierge hérite alors de ses hardes.
N’ayant droit qu’à un croûton de
pain pour toute pitance, Vidocq, comme les autres détenus propose au concierge,
de l’argent pour commander un plat à un regrattier-traiteur voisin. Lorsque sur
une large planche servant de plateau, on apporte leur soupe : Beaupré,
avant de la distribuer, plonge ses larges doigts dans chacune des gamelles,
touillant le fond pour s’assurer qu’il ne s’y cache ni clef, ni poignard. Un
prisonnier proteste, Beaupré le dévisage, tout en s’essuyant ses doigts maculés
sur son plastron :
« Tu fais bien le difficile,
pour le temps qu’il te reste à vivre. Qui sait si tu n’es pas pour la fournée
de demain. Quel est ton nom déjà. Jacques Feller, je crois bien avoir vu
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