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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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Je m'en servois sans cesse, et je devins très-adroit à obtenir, même des personnes d'un esprit supérieur, des concessions, dont elles ne prévoyoient pas les conséquences. Ainsi, je les embarrassois dans des difficultés y dont elles ne pouvoient pas se dégager, et je remportois des victoires, que ne méritoient ni ma cause, ni mes raisons.
Je continuai pendant quelques années à me servir de cette méthode.
    Mais ensuite je l'abandonnai peu-à-peu, conservant seulement l'habitude de m'exprimer avec une modeste défiance, et de n'employer jamais, pour une proposition qui pouvoit être contestée, les mots certainement, indubitablement, ou tout autre qui pût me donner l'air d'être obstinément attaché à mon opinion. Je disois plutôt : j'imagine, je suppose, il me semble que telle chose est comme cela par telle et telle raison ; ou bien : cela est ainsi, si je ne me trompe.
Cette habitude m'a été, je crois, très-avantageuse, quand j'ai eu besoin d'inculquer mon opinion dans l'esprit des autres, et de leur persuader de suivre les mesures que j'avois proposées. Puisque les principaux objets de la conversation sont de s'instruire ou d'instruire les autres, de plaire ou de persuader, je désirerois que les hommes intelligens et bien intentionnés ne diminuassent pas le pouvoir qu'ils ont d'être utiles, en affectant de s'exprimer d'une manière positive et présomptueuse, qui ne manque guère de déplaire à ceux qui écoutent, et n'est propre qu'à exciter des oppositions, et à prévenir les effets pour lesquels le don de la parole a été accordé à l'homme.
Si vous voulez instruire, un ton dogmatique et affirmatif en avançant votre opinion, est toujours cause qu'on cherche à vous contredire, et qu'on ne vous écoute pas avec attention. D'un autre côté, si en désirant d'être instruit et de profiter des connoissances des autres, vous vous exprimez comme étant fortement attaché à votre façon de penser, les hommes modestes et sensibles, qui n'aiment point la dispute, vous laisseront tranquillement en possession de vos erreurs. En suivant une méthode orgueilleuse, vous pouvez rarement espérer de plaire à vos auditeurs, de vous concilier leur bienveillance, et de convaincre ceux que vous cherchez à faire entrer dans vos vues.
    Pope dit judicieusement [Essai sur la critique.] :
En donnant des leçons n'affectez point d'instruire.
Plutôt au goût d'autrui soigneux de vous plier,
Feignez de rappeler ce qu'on put oublier.
Ensuite il ajoute :
Quoique certain, parlez d'un air de défiance.
À ces vers, il auroit pu en joindre un autre, qu'il a placé ailleurs moins convenablement à mon avis. Le voici :
Car c'est manquer de sens que manquer de décence.
Si vous demandez pourquoi je dis moins convenablement, je vous citerai les deux vers ensemble :
Un immodeste mot n'admet point de défense ;
Car c'est manquer de sens que manquer de décence.
Le défaut de sens, quand un homme a le malheur d'être dans ce cas, n'est-il pas une sorte d'excuse pour le défaut de modestie ? Et ces vers ne seroient-ils pas plus exacts, s'ils étoient construits ainsi ?
Un immodeste mot n'admet qu'une défense ;
C'est qu'on manque de sens en manquant de décence.
Mais je m'en rapporte pour cela à de meilleurs juges que moi.
En 1720, ou 1721, mon frère commença à imprimer une nouvelle gazette. C'étoit la seconde qui paroissoit en Amérique. Elle avoit pour titre : le Courier de la Nouvelle-Angleterre [New-England courant.]. La seule qu'il y eût auparavant à Boston, étoit intitulée : Lettres-Nouvelles de Boston [Boston News-Letter.].
Je me rappelle que quelques-uns des amis de mon frère voulurent le détourner de cette entreprise, comme d'une chose qui ne pouvoit pas réussir, parce que selon eux un seul papier-nouvelle suffisoit pour toute l'Amérique.
    Cependant, à présent, en 1771, il n'y en pas moins de vingt-cinq. Mon frère exécuta son projet. Et moi après avoir aidé à composer et à imprimer sa gazette, j'étois employé à en distribuer les exemplaires à ses abonnés.
Parmi ses amis étoient plusieurs hommes lettrés, qui se faisoient un plaisir d'écrire de petites pièces pour sa feuille ; ce qui lui donna de la réputation et en augmenta le débit. Ces auteurs venoient nous voir fréquemment. J'entendois leur conversation, et ce qu'ils disoient de la manière favorable, dont le public accueilloit leurs écrits. Je fus tenté de m'essayer parmi eux. Mais comme j'étois encore un

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