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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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je considérai cela comme une injustice, attendu que je l'avois déjà payée en bas. Le maître fut de mon avis, et m'engagea à ne rien donner. Je restai donc deux ou trois semaines, sans fraterniser avec personne. On me regardoit comme un excommunié ; et quand je m'absentois, il n'y avoit point de tour qu'on ne me jouât. Je trouvois à mon retour, mes caractères mêlés, mes pages transposées, mes matières rompues, etc. ; et tout cela étoit attribué au lutin qui fréquentoit la chapelle [La chapelle est le nom que les ouvriers donnent à l'imprimerie. Les imprimeurs anglais appellent le lutin Ralph, nom que portoit cet ami dont Franklin a parlé plus haut.], et tourmentoit, me disoit-on, ceux qui n'étoient pas régulièrement admis. Enfin, malgré la protection du maître, je fus obligé de payer de nouveau, convaincu qu'il y avoit de la folie à ne pas être en bonne intelligence avec ceux, au milieu desquels j'étois destiné à vivre.
Après cela je fus parfaitement d'accord avec mes compagnons de travail, et j'acquis bientôt, parmi eux, une grande influence. Je leur proposai quelques changemens dans les loix de la chapelle, et ils les acceptèrent sans difficulté. Mon exemple détermina plusieurs de mes camarades à quitter la détestable habitude de déjeûner avec du pain, du fromage et de la bière.
    Ils firent, ainsi que moi, venir d'une maison voisine, un bon plat de gruau chaud, dans lequel il y avoit un petit morceau de beurre, avec du pain grillé et de la muscade. C'étoit un bien meilleur déjeûner, qui coûtoit tout au plus la valeur d'une pinte de bière, c'est-à-dire, trois demi-sols ; et qui, en même-temps, fesoit qu'on avoit des idées bien plus claires.
Ceux qui continuoient à se gorger de bière, perdoient souvent leur crédit chez le cabaretier, faute de payer leur compte. Ils s'adressoient alors à moi, pour que je leur servisse de caution ; leur lumière, disoient-ils, étoit éteinte. Je me tenois chaque samedi au soir, auprès de la table, où l'on payoit l'ouvrage de la semaine, et je prenois les petites sommes dont j'avois répondu. Elles s'élevoient quelquefois à près de trente schellings.
Cet avantage, joint à la réputation d'être assez goguenard, me donnoit de l'importance dans la chapelle. J'avois, en outre, acquis l'estime du maître, en m'appliquant beaucoup à l'ouvrage, et n'observant jamais le Saint-Lundi. La célérité extraordinaire avec laquelle je composois, fesoit qu'on me donnoit toujours les ouvrages les plus pressés, qui sont ordinairement les mieux payés. Ainsi Je passois mon temps d'une manière très-agréable.
Le logement que j'occupois dans Little-Britain, étant trop éloigné de l'imprimerie, je le quittai pour en prendre un autre dans Duke-Street, vis-à-vis de l'église catholique. Il étoit sur le derrière d'un magasin italien. La maison étoit tenue par une veuve, qui avoit une fille, une servante et un garçon de boutique : mais ce dernier ne couchoit point dans la maison.
Après avoir fait prendre des informations sur mon compte dans Little-Britain, la veuve voulut bien me recevoir au même prix que mes premiers hôtes, c'est-à-dire, à trois schellings et demi par semaine.
    Elle se contentoit de si peu, disoit-elle, parce qu'il n'y avoit que des femmes dans sa maison, et qu'elles seroient plus en sûreté lorsqu'un homme y logeroit.
Cette femme, déjà avancée en âge, étoit née d'un ministre protestant, qui l'avoit élevée dans sa religion. Mais son mari, dont elle respectoit singulièrement la mémoire, l'avoit convertie à la foi catholique. Elle avoit vécu dans la société intime de diverses personnes de distinction, et en savoit un grand nombre d'anecdotes, qui remontoient jusqu'au règne de Charles second. Étant sujette à des attaques de goutte, qui l'obligeoient de garder souvent la chambre, elle aimoit à recevoir quelquefois compagnie. La sienne étoit si amusante pour moi, que j'étois charmé de passer ma soirée auprès d'elle toutes les fois qu'elle le désiroit. Notre souper n'étoit composé que d'une moitié d'anchois pour chacun, sur un morceau de pain avec du beurre, avec une pinte d'aile pour nous tous. Mais la conversation de la veuve assaisonnoit délicieusement ce repas.
Comme je rentrois de bonne heure, et que je n'occasionnois presque aucun embarras dans la maison, la veuve avoit de la répugnance à notre séparation ; et quand je parlai d'un autre logement que j'avois trouvé plus près de

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