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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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Temple : ce fut en vain ; il ne trouva point de place vacante.
Pour moi, je fus tout de suite employé chez Palmer, qui étoit alors un fameux imprimeur dans l'enclos de Saint-Barthélémy, et chez lequel je restai près d'un an. Je m'appliquois assidument à mon ouvrage : mais je dépensois avec Ralph, presque tout ce que je gagnois. Quand les spectacles et les autres lieux d'amusement, que nous fréquentions ensemble, eurent mis fin à mes pistoles, nous fûmes réduits à vivre uniquement du travail de mes mains. Ralph sembloit avoir entièrement perdu de vue sa femme et son enfant. J'oubliai aussi, par degrés, mes engagemens avec miss Read, à laquelle je n'écrivis jamais qu'une lettre ; encore étoit-ce pour lui apprendre que vraisemblablement je ne retournerois pas de sitôt à Philadelphie. Ce fut là une autre grande erreur de ma vie ; et je désirerois de pouvoir la corriger, si j'étois à recommencer.
Je travaillois chez Palmer, à l'impression de la seconde édition de la Religion naturelle, de Woolaston. Quelques-uns des raisonnemens de cet ouvrage ne me parurent pas bien fondés ; j'écrivis un petit traité de métaphysique pour les combattre.
    Mon pamphlet étoit intitulé : Dissertation sur la Liberté et la Nécessité, le Plaisir et la Peine. Je le dédiai à mon ami Ralph, l'imprimai et en tirai un petit nombre d'exemplaires. Dès-lors, Palmer me traita avec plus de considération, et me regarda comme un jeune homme de talent ; mais il me fit des reproches sérieux sur les principes de mon pamphlet, qu'il regardoit comme abominables. La publication de ce petit ouvrage fut une autre erreur de ma vie.
Pendant que je logeois dans Little-Britain, je fis connoissance avec le libraire Wilcox, dont la boutique touchoit à ma porte. Les magasins de lecture n'étoient point encore en usage. Wilcox avoit une immense collection de livres de toute espèce. Nous convînmes que, moyennant un prix raisonnable, dont je ne me souviens plus, je pourrois prendre chez lui les livres qui me plairoient, et que je les lui rendrois après les avoir lus. Je regardai ce marché comme très-avantageux pour moi, et j'en profitai autant qu'il me fut possible.
Mon pamphlet tomba entre les mains d'un chirurgien, nommé Lyons, auteur d'un livre intitulé : l'Infaillibilité du Jugement humain ; et ce fut l'occasion d'une liaison intime entre nous. Lyons me témoignoit beaucoup d'estime, et venoit souvent me voir, pour s'entretenir avec moi sur des sujets de métaphysique. Il me fit connoître le docteur Mandeville, auteur de la Fable des Abeilles, lequel avoit formé dans la taverne de Cheapside, un club dont il étoit l'ame. Ce docteur étoit un homme facétieux et très-amusant. Lyons me présenta aussi, dans le café Batson, au docteur Pemberton, qui me promit de me procurer l'occasion de voir sir Isaac Newton. Je le désirois beaucoup : mais le docteur Pemberton ne me tint point parole.
    J'avois apporté d'Amérique quelques curiosités, dont la principale étoit une bourse, faite d'asbeste [L'asbeste est une pierre de la nature de l'amiante, et ses filets ne sont pas moins flexibles.], qui n'éprouve aucune altération dans le feu. Sir Hans-Sloane en ayant entendu parler, vint me voir, et m'invita à aller chez lui, dans Bloomsbury-Square. Après m'avoir montré tout ce que son cabinet renfermoit de curieux, il m'engagea à y joindre ma bourse d'asbeste, qu'il me paya honorablement.
Il logeoit dans notre maison une jeune marchande de modes, qui tenoit une boutique du côté de la Bourse. Vive, sensible, et ayant reçu une éducation au-dessus de son état, elle avoit une conversation très-agréable. Le soir, Ralph lui lisoit des comédies. Ils devinrent intimes. Elle changea de logement, et il la suivit. Ils vécurent quelque temps ensemble. Mais Ralph étoit sans emploi. Elle avoit un enfant ; et les profits de sa boutique ne suffisoient pas pour les faire vivre tous les trois. Ralph résolut alors de quitter Londres et d'essayer de tenir une école de campagne. Il se croyoit très-propre à y réussir ; car il avoit une belle écriture, et connoissoit très-bien l'arithmétique et la partie des comptes. Mais regardant cet emploi comme au-dessous de lui, et comptant qu'il feroit un jour une toute autre figure dans le monde, et qu'il auroit à rougir si l'on savoit qu'il eût exercé une profession si peu honorable, il changea de nom et me fit l'honneur de prendre le mien. Bientôt après, il m'écrivit pour

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