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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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l'imprimerie et à deux schellings par semaine, ce qui s'accordoit avec l'intention où j'étois de faire des épargnes, elle m'engagea à y renoncer, et me fit en même-temps une diminution de deux schellings. Ainsi je continuai à loger chez elle à un schelling et demi par semaine, pendant le reste du temps que je fus à Londres.
Dans un grenier de la maison vivoit de la manière la plus retirée une demoiselle âgée de soixante-dix ans.
    Voici ce que mon hôtesse m'en apprit. Elle étoit catholique romaine. Dans sa jeunesse, elle avoit été envoyée dans le continent, et étoit entrée dans un couvent pour se faire religieuse. Mais le climat ne convenant point à sa santé, elle fut obligée de repasser en Angleterre, où, quoiqu'il n'y eût pas de couvens, elle fit vœu de mener une vie monastique, de la manière la plus rigide que les circonstances le lui permettroient. En conséquence, elle disposa de tous ses biens pour être employés en œuvres de charité, ne se réservant qu'une rente annuelle d'onze livres sterlings, dont elle donnoit encore une partie aux pauvres. Elle ne mangeoit que du gruau bouilli dans de l'eau, et ne fesoit jamais de feu que pour faire cuire cette nourriture. Il y avoit déjà plusieurs années qu'elle vivoit dans ce grenier, où les principaux locataires catholiques, qui avoient successivement tenu la maison, l'avoient toujours logée gratuitement, regardant son séjour chez eux comme une faveur céleste. Un prêtre venoit la confesser tous les jours.—«Je lui ai demandé, me dit mon hôtesse, comment elle peut, vivant comme elle le fait, trouver tant d'occupation pour un confesseur ; et elle m'a répondu qu'il est impossible d'éviter les mauvaises pensées.»
J'obtins une fois la permission de lui rendre visite. Je la trouvai polie, gaie et d'une conversation agréable. Son appartement étoit propre : mais tous les meubles consistoient en un matelas, une table sur laquelle il y avoit un crucifix et un livre, et une chaise qu'elle me donna pour m'asseoir. Sur la cheminée étoit un tableau de sainte Véronique, déployant son mouchoir, où l'on voyoit l'empreinte miraculeuse de la figure du Christ ; ce qu'elle m'expliqua avec beaucoup de gravité.
    Son visage étoit pâle ; mais elle n'avoit jamais été malade ; et je puis la citer comme une autre preuve du peu qu'il faut pour maintenir la vie et la santé.
À l'imprimerie, je me liai d'amitié avec un jeune homme d'esprit, nommé Wygate, qui, étant né de parens riches, avoit reçu une meilleure éducation que la plupart des autres imprimeurs. Il étoit assez bon latiniste, parloit facilement français, et aimoit beaucoup la lecture. Je lui appris à nager, ainsi qu'à un de ses amis, en me baignant seulement deux fois avec eux. Ils n'eurent plus ensuite besoin de leçons. Un jour nous fîmes la partie d'aller par eau à Chelsea, pour voir le collége et les curiosités de don Saltero. Au retour, cédant aux sollicitations du reste de la compagnie, dont Wygate avoit excité la curiosité, je me déshabillai et m'élançai dans la Tamise. Je nageai depuis Chelsea jusqu'au pont des Blackfriards [Des moines noirs.], et je fis dans ce trajet plusieurs tours d'adresse et d'agilité, soit à la surface de l'eau, soit en plongeant. Cela causa beaucoup d'étonnement et de plaisir à ceux qui le voyoient pour la première fois. Dès mes plus jeunes ans j'avois beaucoup aimé cet exercice. Je connoissois et pouvois exécuter toutes les évolutions et les positions de Thevenot ; et j'en avois inventé quelques autres, dans lesquelles je m'efforçois de réunir la grace et l'utilité. Je ne négligeai pas de les montrer toutes dans cette occasion, et je fus extrêmement flatté de l'admiration qu'elles excitèrent.
Indépendamment du désir qu'avoit Wygate de se perfectionner dans l'art de la natation, il m'étoit très-attaché, parce qu'il y avoit une grande conformité dans nos goûts et dans nos études.
    Il me proposa de faire avec lui le tour de l'Europe, en nous défrayant, en même-temps, par le travail dans notre profession. J'étois sur le point d'y consentir ; et j'en fis part au quaker Denham, mon ami, avec lequel je me fesois un plaisir de passer une heure, lorsque j'en avois le loisir. M. Denham m'engagea à renoncer à ce projet, et me conseilla de songer à retourner à Philadelphie, ce qu'il se proposoit de faire bientôt lui-même. Il faut que je rapporte ici un trait du caractère de ce digne homme.
Il avoit

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