Vie et Paroles du Maître Philippe
dit-il, et,
à l’un d’eux : c’est toi qui as donné l’idée ».
Ils répondirent qu’ils étaient sans travail et acculés à la
misère. Alors M. Philippe promit de leur apporter le lendemain, à un
rendez-vous qu’ils fixèrent ensemble, la somme nécessaire à leur établissement.
N’ayant pas la somme, il dut l’emprunter. Ces hommes
s’établirent par la suite et M. Philippe a dit que jamais commerçants n’ont été
plus honnêtes qu’eux.
Un jour M. Philippe accosta devant moi un pauvre homme assis sur
ses talons, qui mendiait à une extrémité de la passerelle du Collège. Ses
jambes, écrasées par une voiture, étaient paralysées. On l’amenait là et on le
rentrait le soir avec une petite voiture. M. Philippe lui dit : « Je
connais quelqu’un qui pourrait te guérir. Il faut bien demander à Dieu et tes
jambes marcheront de nouveau. Tu promets de demander à Dieu ? - Oui !, répondit-il. Et le Maître me
dit en partant : « Il ne demandera rien du tout ; c’est déjà la
deuxième existence qu’il passe ainsi estropié. Il ne veut pas
travailler ».
A la séance un homme à l’allure arrogante faisait à haute voix
des observations malveillantes pendant que M. Philippe parlait : « Il faut
être idiot pour croire à toutes ces bêtises », et autres propos du même
ordre,. M. Philippe, passant près de lui dans sa tournée, le pria de
l’accompagner dans la pièce voisine. Là il lui dit : « Pourquoi tel jour,
à telle heure, as-tu étranglé cette femme ? J’étais à côté de toi ».
L’homme tomba à genoux, suppliant M. Philippe de ne pas le livrer à la police.
« A la condition, lui fut-il répondu, que tu changes de vie et que tu
suives ta religion. - Si je suis ma
religion, je devrai me confesser. - Tu
t’es confessé à moi, cela suffit ».
Et l’homme partit en pleurant.
Il y avait à L’Arbresle un homme qui enlevait les brûlures. Il
eut quelques insuccès ; il accusa M. Philippe d’en être la cause et
répandit sur son compte des bruits calomnieux. M. Philippe le fit appeler.
Plongeant alors deux doigts de la main droite dans de l’acide sulfurique, il
pria son hôte de guérir la brûlure. Pendant plus de deux heures celui-ci fit
tous ses efforts, tandis que l’acide brûlait la peau et entamait les chairs.
Comme il avouait humblement son impuissance : « C’est bien, lui dit M.
Philippe, à l’avenir tu auras plus de facilités pour guérir les
brûlures ».
Un malade n’obtenait aucune amélioration. M. Philippe lui
demanda : « Te repens-tu de tes fautes ; »
Le malade surpris répondit : « Mais je n’ai jamais fait de
mal à personne, j’ai toujours donné aux pauvres », et ainsi de suite.
Alors M. Philippe lui répliqua : « Dans ces conditions le Ciel ne peut
rien pour toi ».
A la séance je vis arriver un jour un homme qui venait pour la
première fois. Il avait une figure terrible qui me fit peur. Lorsque M.
Philippe entra, il envoya chercher une pelote de corde et il dit :
« Aujourd’hui je veux vous pendre ». Il désigna une douzaine de
personnes et les aligna les unes derrière les autres, l’homme au visage
rébarbatif le premier et moi le dernier. Puis il entoura de la corde le cou du
premier, la passa sur les épaules des autres personnes, les deux extrémités
pendant sur mes épaules, en arrière. Il demanda : « Qui veut être
l’exécuteur des hautes œuvres ; -
Moi ; cria une dame. - Alors, tu
vas nouer les extrémités de la corde qui pendent sur les épaules de ce monsieur
(en me désignant) et tu serreras bien le nœud. » A ce moment le premier
homme du groupe tomba. Il était affreux à voir, le visage crispé et la langue
pendante, une langue d’une longueur démesurée. L’homme ne s’était rendu compte
de rien. Et j’eus l’impression, sinon la certitude, que M. Philippe lui avait
évité l’échafaud.
Nous revenions, M. Philippe et moi, de Sathonay à Lyon dans un
landau à cheval entièrement découvert. Le vent était si fort que j’étais obligé
de tenir de la main mon chapeau sur la tête pour qu’il ne s’envole pas. Le
Maître avait bourré sa pipe. Pour qu’il puisse l’allumer à l’abri du vent, je
préparai mon chapeau ; mais il me pria de le remettre sur ma tête, sans
ajouter qu’il n’en avait pas besoin.
Puis, sortant une allumette de la boîte, il la fit flamber et,
tout en parlant d’autres choses, il laissa en plein
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