Vies des douze Césars
nouvelle de sa mort répandit un deuil universel, comme si chacun avait perdu un membre de sa propre famille. Avant d’être convoqué par un édit, le sénat accourut. Les portes de la curie étaient encore fermées. Il les fit ouvrir, et accorda au prince mort plus d’éloges et d’actions de grâces qu’il ne lui en avait jamais prodigué de son vivant.
XII.
Vie de Domitien
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Traduction française de M.Cabaret-Dupaty, Paris, 1893, avec quelques adaptations de J. Poucet, Louvain, 2001
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I. Naissance de Domitien. Sa jeunesse. Sa conduite pendant la guerre de Vitellius. Ses premières dignités. Son mariage avec Domitia Longina
(1) Domitien naquit le neuvième jour avant les calendes de novembre, dans la sixième région de Rome, au quartier de la Grenade, dans une maison dont il fit depuis le temple de la famille Flavia. Son père était alors consul désigné et devait entrer en charge le mois suivant. (2) Il passa, dit-on, son enfance et sa première jeunesse dans un tel état d’indigence et d’opprobre qu’il ne possédait pas même un vase d’argent. (3) On sait que Clodius Pollion, l’ancien préteur, contre lequel nous avons un poème de Néron, intitulé Luscio, avait conservé et montrait quelquefois un billet de Domitien qui lui promettait une nuit. Quelques personnes prétendent qu’il eut le même commerce avec Nerva son successeur. (4) Dans la guerre contre Vitellius, il s’était réfugié au Capitole avec son oncle Sabinus et une partie des troupes. Mais, pressé par les ennemis et par les flammes, il passa secrètement la nuit chez un des gardiens du temple. Le lendemain matin, sous l’habit d’un prêtre d’Isis, il se confondit parmi les ministres subalternes de ce culte superstitieux, et, suivi d’un seul compagnon, il se retira au-delà du Tibre, chez la mère d’un de ses condisciples. C’est ainsi qu’il parvint à tromper les recherches de ceux qui s’attachaient à sa poursuite. (5) Après la victoire, il sortit de son asile, et fut salué César. Créé préteur de Rome avec la puissance consulaire, il n’en garda que le titre et laissa les fonctions à son collègue. Du reste il exerça le pouvoir d’une manière si tyrannique, que, dès ce moment, il montra ce qu’il serait un jour. (6) Sans entrer dans les détails, après avoir séduit un grand nombre de femmes, il épousa Domitia Longina qui était mariée à Aelius Lamia. En un seul jour, il distribua plus de vingt charges à Rome et dans les provinces. C’est ce qui fit dire à Vespasien qu’il s’étonnait que son fils ne lui envoyât pas aussi un successeur.
II. Il se montre envieux de Titus. Sa feinte modération. Ses prétentions après la mort de Vespasien. Sa conduite à l’égard de Titus, dont il ne cesse de poursuivre la mémoire
(1) Il entreprit une expédition dans les Gaules et en Germanie, quoiqu’elle ne fût pas nécessaire, et malgré les conseils des amis de son père, uniquement pour égaler les exploits et la renommée de Titus. (2) Vespasien l’en réprimanda, et, pour le faire souvenir de son âge et de sa condition, il le garda auprès de lui. Toutes les fois qu’il paraissait en public avec Titus, Domitien suivait leur chaise en litière. Il accompagna leur triomphe de Judée, monté sur un cheval blanc. (3) Sur six consulats qu’il obtint, il n’y en eut qu’un de régulier, encore fut-ce parce que son frère lui céda le pas et lui donna son suffrage. (4) Alors il affecta beaucoup de modération, et parut s’appliquer surtout à la poésie, étude à laquelle il était étranger, et qu’il méprisa souverainement dans la suite. Il lut même des vers en public. (5) Néanmoins, lorsque Vologèse, roi des Parthes, demanda qu’on lui envoyât contre les Alains des troupes auxiliaires commandées par un des fils de Vespasien, il fit tous ses efforts pour être nommé. L’affaire ayant échoué, il essaya d’engager par des dons et par des promesses d’autres princes de l’Orient à faire la même demande. (6) Après la mort de son père, il balança longtemps s’il n’offrirait pas aux soldats une double gratification. Il osa publier qu’il était institué cohéritier de l’empire, mais que le testament avait été falsifié. Depuis lors, il ne cessa pas de conspirer en secret ou en public contre son frère, et, lorsqu’il le vit dangereusement malade, il n’attendit pas qu’il
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