Vies des douze Césars
I. Jeunesse de César. Il est proscrit par Sylla
(1) César était dans sa seizième année lorsqu’il perdit son père. L’année suivante, il fut désigné pour devenir flamine de Jupiter ; et quoiqu’on l’eût fiancé, alors qu’il portait encore la toge prétexte, à Cossutia, d’une simple famille équestre, mais fort riche, il la répudia, pour épouser Cornélie, fille de Cinna, lequel avait été quatre fois consul. Il en eut bientôt une fille, nommée Julie. Le dictateur Sylla voulut le contraindre à la répudier, et, ne pouvant y réussir par aucun moyen, (2) le priva du sacerdoce, de la dot de sa femme, de quelques successions de famille, et le regarda dès lors comme son ennemi. César fut même réduit à se cacher, et, quoique atteint de la fièvre quarte, à changer presque toutes les nuits de retraite, et à se racheter, à prix d’argent, des mains de ceux qui le poursuivaient. Il fallut que les Vestales, et Mamercus Aemilius avec Aurelius Cotta, ses parents et ses alliés se réunissent pour obtenir son pardon. (3) Il est bien établi que Sylla le refusa longtemps aux prières de ses meilleurs amis et des hommes les plus éminents, et que, vaincu par leur persévérance, il s’écria, par une inspiration divine ou par un secret pressentiment de l’avenir : « Eh bien, vous l’emportez, soyez satisfaits ; mais sachez que celui dont la vie vous est si chère écrasera un jour le parti de la noblesse, que nous avons défendu ensemble ; car il y a dans César plus d’un Marius. »
II. Ses premières campagnes. Son commerce avec Nicomède
(1) César fit ses premières armes en Asie, où l’avait emmené le préteur Marcus Thermus. Chargé par lui d’aller chercher une flotte en Bithynie, il s’arrêta chez le roi Nicomède, à qui on le soupçonna de s’être prostitué. Ce qui confirma ce bruit, c’est qu’on le vit, peu de jours après, retourner en Bithynie, sous prétexte de faire payer une certaine somme, due à un affranchi, son client. (2) Le reste de la campagne fut plus favorable à sa réputation ; et, à la prise de Mytilène, il reçut de Thermus une couronne civique.
III. Son retour subit à Rome
(1) Il servit aussi en Cilicie, sous Servilius Isauricus, mais pendant peu de temps ; (2) car, à la nouvelle de la mort de Sylla, et sur les espérances qu’il conçut des nouveaux troubles provoqués par Marcus Lepidus, il se hâta de revenir à Rome. Toutefois, il ne voulut pas entrer dans ses projets, quelques avantages qui lui fussent offerts ; le caractère de Lépide ne lui inspirait pas de confiance, et l’occasion lui semblait moins belle qu’il ne l’avait cru.
IV. Son accusation contre Dolabella. Il va étudier à Rhodes. Il est pris par des pirates. Ses succès contre Mithridate
(1) Ces troubles apaisés, il accusa de concussion Cornelius Dolabella, qui avait été honoré du consulat et du triomphe. L’accusé fut absous, et César résolut de se retirer à Rhodes, tant pour se dérober aux ennemis qu’il s’était faits, que pour y consacrer ses loisirs aux leçons d’Apollonius Molon, le plus célèbre rhéteur de ce temps-là. (2) Dans ce trajet, exécuté pendant l’hiver, il fut pris par les pirates, à la hauteur de l’île Pharmacuse ; et, non sans la plus vive indignation, il resta leur prisonnier l’espace d’environ quarante jours, n’ayant près de lui qu’un médecin et deux esclaves du service de sa chambre ; car il avait dépêché sur le champ ses compagnons et ses autres esclaves, pour lui rapporter l’argent nécessaire à sa rançon. (3) Il la paya cinquante talents, et, à peine débarqué sur le rivage, il poursuivit, à la tête d’une flotte, les pirates qui s’en retournaient, les réduisit en son pouvoir, et les punit du supplice dont il les avait souvent menacés comme en plaisantant. (4) Mithridate ravageait alors les pays voisins ; César ne voulut pas paraître indifférent au malheur des alliés : de Rhodes, où il s’était rendu, il passa en Asie, leva des troupes auxiliaires, chassa de la province le lieutenant de ce roi, et retint dans le devoir les peuples dont la foi était ébranlée et douteuse.
V. Il est fait tribun des soldats
(1) Revenu à Rome, la première magistrature qu’il obtint par les suffrages du peuple fut celle de tribun militaire. On le vit alors aider de tout son pouvoir ceux qui voulaient rétablir la puissance tribunitienne, dont Sylla avait beaucoup
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