Vies des douze Césars
plus modérés, ni plus justes, tandis que, après lui, nous en avons vu un grand nombre accusés de joutes sortes de crimes. (4) Réformateur des mœurs, il abolit la permission de s’asseoir confusément au théâtre sur les sièges des chevaliers. Il anéantit les libelles diffamatoires que l’on répandait contre les principaux citoyens et les femmes les plus respectables, et flétrit leurs auteurs. Il chassa du sénat un ancien questeur passionné pour la pantomime et pour la danse. Il priva les femmes sans mœurs de l’usage de la litière, et du droit de recueillir des legs et des successions. Un chevalier avait repris sa femme, après l’avoir répudiée, et lui avoir intenté un procès d’adultère. Domitien le raya du tableau des juges. Il appliqua aussi à des sénateurs et à des chevaliers les dispositions de la loi Scantinia. Il réprima de diverses manières et avec sévérité les incestes des vestales sur lesquels son père et son frère avaient fermé les yeux. Les premières infractions encoururent la peine capitale, les autres furent punies selon la coutume des anciens. (5) Il permit, en effet, aux deux sœurs Oculata et à Varronilla de choisir leur genre de mort, et bannit leurs séducteurs. Mais la grande vestale Cornélia, autrefois absoute, ayant été longtemps après accusée de nouveau et convaincue, fut enterrée vive. Ses complices furent battus de verges jusqu’à la mort dans le Comitium, excepté un ancien préteur qui n’avait d’autre preuve contre lui qu’un aveu arraché par les tourments, et qui fut exilé. (6) Jaloux de prévenir toute profanation, Domitien fit détruire par ses soldats un monument que l’un de ses affranchis avait élevé à son fils avec des pierres destinées au temple de Jupiter Capitolin, et il ordonna que les restes qu’il renfermait fussent jetés à la mer.
IX. Ses bonnes qualités. Ses plus sages règlements
(1) Dans les commencements, il manifesta une telle horreur pour le sang, qu’avant l’arrivée de son père à Rome, s’étant souvenu de ces vers de Virgile
Avant que l’homme impie eût d’un fer inhumain
Égorgé les troupeaux pour assouvir sa faim,...
il résolut de défendre qu’on immolât des bœufs. (2) Jamais, tant qu’il fut simple particulier, ni même dans les premières années de son règne, il ne fit naître le moindre soupçon de cupidité ou d’avarice ; au contraire, en diverses occasions, il donna la plus haute idée de son désintéressement et de sa libéralité. (3) Il traitait largement tous ceux de sa suite, et leur recommandait surtout d’éviter la ladrerie. (4) Il n’acceptait point les successions de ceux qui laissaient des enfants. Il annula même un legs de Rustius Caepio, qui ordonnait à son héritier de payer annuellement une certaine somme aux sénateurs, à leur entrée dans la curie. (5) Il délivra de toute poursuite les prévenus dont les noms étaient affichés au trésor depuis plus de cinq ans, et défendit de les inquiéter de nouveau, à moins que ce ne fût dans l’année, et sous la condition que l’accusateur qui ne pourrait soutenir sa cause serait puni d’exil. (6) Il pardonna leurs fautes passées aux greffiers des questeurs qui négociaient, selon la coutume, mais contrairement à la loi Clodia. (7) Il fit rendre aux propriétaires, comme prescrites, les parcelles de terre qui étaient restées sans destination, après le partage des biens entre les vétérans. (8) Il réprima les chicanes fiscales en statuant des peines rigoureuses contre les accusateurs. On cite de lui ce mot : « Un prince qui ne châtie pas les délateurs, les encourage."
X. Ses barbaries
(1) Mais il ne persévéra ni dans son désintéressement, ni dans sa clémence. Toutefois il se laissa entraîner un peu plus vite à la barbarie qu’à la cupidité. (2) Il fit périr un disciple du pantomime Pâris, encore adolescent, quoique fort malade, parce qu’il ressemblait à son maître pour la figure et pour le talent. Il traita de même Hermogène de Tarse pour quelques allusions répandues dans son histoire, et les copistes qui l’avaient écrite furent mis en croix. (3) Un père de famille avait dit au spectacle qu’un Thrace valait un mirmillon, mais qu’il était inférieur à celui qui donne les jeux, il le fit arracher du milieu des spectateurs et déchirer par les chiens, avec cet écriteau : « Partisan des porte-bouclier, à la langue impie. » (4) Il mit à mort, comme
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