Vikings
d’attention.
— J’arrive à percevoir beaucoup de choses dans la voix, et surtout la sincérité. Tu sais Jeanne, ce n’est pas parce que Monsieur Le Bihan est de la ville qu’il est forcément mauvais. De par nos campagnes, j’en ai aussi connu pas mal de beaux salopards ! Par ailleurs, je ne pense pas qu’il soit complètement naïf.
— Mais tu ne vas quand même pas lui dire... l’interrompit la jeune fille avec inquiétude.
— Oui ! trancha Léonie avec autorité. Cette maison est toujours ouverte à tous ceux qui ont décidé de ficher les Boches hors de ce pays. D’ailleurs, ils sont en sécurité ici ! Qui oserait pénétrer dans l’antre d’une sorcière ? Même leur grand dadais d’Adolf ne s’y risquerait pas...
Le Bihan ne s’attendait pas à trouver en Léonie l’étoffe d’une résistante. Il songea qu’il aurait des choses à raconter à Joséphine et puis il se ravisa en se disant que tout ce qu’il était en train de vivre devait rester secret.
— Soyez sans crainte, répondit-il d’un ton joyeux. Je saurai garder votre secret. Laissez-moi vous exposer la raison de ma visite...
— Vous avez mal au ventre ? Je suppose que c’est surtout le soir, interrogea-t-elle.
— Au ventre ? s’inquiéta Le Bihan qui craignait toujours que les petits bobos à première vue innocents ne se muent en grands problèmes. Mais pas du tout. Non, je vous assure que je vais bien. Quoi, vous avez senti un problème chez moi ?
Léonie se leva pour aller chercher la fameuse bouteille de calvados et sourit en répondant :
— Tu n’auras qu’à venir me consulter ; aujourd’hui je ne travaille pas. Allez, raconte-moi ton histoire, je ne t’interromprai plus.
— Euh, poursuivit le jeune homme un peu troublé, vous qui êtes depuis si longtemps dans la région, avez-vous entendu parler du tombeau de Rollon ? Existe-t-il des mystères le concernant ? Et que savez-vous au sujet de la croix d’or et constellée de pierres précieuses qui se trouvait dans son sarcophage ?
La vieille femme écouta la question en remplissant les trois verres. Elle prit le temps de boire le sien avant de répondre. Le bruit du tic-tac de la vieille horloge de bois clair que Le Bihan n’avait pas encore remarquée dans l’amoncellement d’objets qui peuplaient la pièce en devenait presque assourdissant.
— C’est une très vieille histoire, se décida-t-elle enfin à dire en portant une serviette à la bouche pour essuyer ses vieilles lèvres ridées. Pour être franche, je ne me souviens même plus à combien de générations elle remonte dans la famille. Elle doit dater d’une époque où nous étions encore les bienvenues à la cathédrale. Autant dire que cela fait très longtemps. Malheureusement, mes souvenirs sont confus et l’âge n’arrange rien...
— C’est au sujet de Rollon ? se hasarda à demander Le Bihan.
— Oui, attends... C’est cela, je me souviens. On me racontait que le premier duc de Normandie n’avait pas sa place dans la maison de Dieu. Parce qu’il n’avait pas encore payé le prix de ses péchés, mais que le Bon Dieu était patient et que ce serait un jour chose faite.
— Et vous compreniez la signification de ces paroles ? demanda Le Bihan.
— J’étais très jeune, répondit la vieille femme. Trop jeune pour comprendre ces vieilles histoires et après, j’ai eu bien d’autres choses pour occuper mon esprit. En y songeant aujourd’hui, je me dis que notre premier duc a dû être un joyeux drille, mais c’est plutôt une bonne nouvelle pour lui, non ? Je me suis toujours méfiée de ceux qui jouent aux saints ; ils ont souvent de lourds secrets à cacher.
En prononçant ces derniers mots, Léonie contint un bâillement. Le Bihan se dit qu’il était temps de la laisser se reposer. Mais avant, il tenait à lui poser une dernière question.
— Et la croix d’or constellée de pierres précieuses ?
— Oh, sourit-elle, tu dois faire référence au fameux trésor dont parlaient les brigands de passage dans la région. Tu sais, chaque château, chaque église, chaque gentilhommière de Normandie possède son histoire de trésor. Si tu trouves celui de notre bon duc Rollon, tu n’auras qu’à m’inviter dans un bon restaurant de la place du Vieux-Marché. Cela a toujours été mon rêve.
Le Bihan se leva. Il posa la main sur l’épaule de Léonie et la serra dans un mouvement de tendresse.
— Eh bien, répondit le
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