Vikings
Battisti, reprit-il sur un ton empreint de sérénité qui contrastait avec la solennité de ses paroles. Si les SS s’intéressent à Rollon, c’est qu’il y a une sombre manoeuvre derrière tout cela. Peut-être même un blasphème païen... En ces temps troublés, nous sommes malheureusement bien démunis pour lutter contre l’Ordre Noir.
— Votre Sainteté, répondit Battisti, je ne suis qu’un simple homme de Dieu rompu à quelques techniques d’exorcisme. Je ne me sens pas capable de combattre des SS, mais l’archevêque de Rouen m’a appris quelque chose qui pourra peut-être nous intéresser...
Cette fois, Pie XII ne chercha plus à masquer son impatience.
— De grâce, coupa-t-il. Cessez de vous exprimer par bribes d’explication. Parlez clairement. Si vous ne m’expliquez pas tout ce que vous savez, je ne pourrai pas vous livrer mon opinion.
— Pardonnez-moi, s’excusa Monsignore Battisti. L’évêque m’a parlé d’un jeune homme, un historien qui mène des recherches sur la vie de Rollon. Il paraît être digne de confiance et uniquement guidé par des motivations scientifiques.
— Scientifiques ? s’exclama Pie XII. Les SS usent des mêmes paroles pour justifier leurs recherches impies. Nous n’avons que faire de la science lorsqu’elle ne poursuit d’autre but que de combattre la Foi.
La dernière phrase du pape ressemblait à une conclusion. Battisti pensa que l’audience était arrivée à son terme. Il se leva et se retira en faisant quelques pas vers la sortie.
— Monsignore Battisti ! s’exclama le pape en se levant pour l’arrêter.
Le visiteur se retourna et revint à la hauteur du bureau de travail de Pie XII.
— Je ne pense pas vous avoir signifié votre congé, poursuivit le pontife. Vous me paraissez accorder de la confiance aux paroles de notre frère de Rouen... Alors, si je lis bien entre les lignes de votre pensée, vous me suggérez de laisser à ce jeune scientifique libre accès à l’un de nos livres cachés...
— Votre Sainteté, répondit le cardinal Battisti avec ferveur, je suis désolé de n’avoir à vous offrir que des impressions et des sentiments. Je sais que vous n’êtes pas homme à vous laisser guider par vos émotions, mais je possède la conviction intime que nous courons tous un très grand danger. Je suis sûr qu’il nous faut lutter avec tous les moyens dont nous disposons.
Après avoir entendu ces paroles, Pie XII se sentit subitement las. Il s’assit sur son siège et prit son stylo-plume. Sur une page blanche, il commença à écrire quelques lignes de son écriture régulière et penchée. Il passa ensuite le buvard sur la feuille avant de la plier et de la mettre dans une enveloppe. Il tira sur un cordon et la porte s’ouvrit, laissant entrer son secrétaire. Celui-ci s’avança vers le pape qui lui tendit le document.
— Nous ne devinons pas à quel point les hommes d’Himmler sont prêts à tout pour faire triompher leurs hérésies. Je ne veux courir aucun risque. Tenez, confiez cette lettre au grand administrateur de la bibliothèque et demandez-lui d’agir sans délai. Précisez-lui bien qu’il s’agit d’une demande à caractère spécial. Ensuite, vous ferez porter le livre à Monsignore Battisti.
Une fois l’ordre donné, le regard du pape se tourna vers Battisti.
— Dès que vous serez en possession du livre, vous retournerez en France pour rencontrer cet homme et le lui remettre. Au fait, quel est son nom ?
— Pierre Le Bihan, Votre Sainteté, répondit Battisti heureux de voir le pape accéder à son souhait.
Le souverain pontife lui signifia son congé en faisant un bref signe de tête. Tandis que Battisti quittait la pièce, il inscrivit le nom de Le Bihan sur une autre feuille de papier blanc.
Chapitre 24
E N CHEMIN , L E B IHAN raconta à Joséphine la lettre de Léonie et l’étrange histoire du manuscrit norvégien. Ils pressaient le pas, mais Le Bihan craignait qu’il ne fût déjà trop tard. Lorsqu’ils s’engagèrent dans la rue Martainville, ils comprirent qu’ils avaient été précédés. Une grande voiture noire bloquait l’entrée du passage qui menait à l’aître Saint-Maclou. Furieux d’avoir été doublé, Le Bihan lâcha un juron.
— Merde !
— Attends, rien n’est perdu, dit Joséphine qui ne voulait pas s’avouer vaincue. Si nous ne pouvons arriver avant eux, nous pourrons au moins les observer. Une de nos bonnes amies possède une vue
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