Vikings
ne sais pas de quoi il s’agit, mais elle m’a donné ça pour vous. Je ne l’ai pas ouvert.
Jeanne plongea sa main dans les plis de son tablier et ensuite, dans la poche de celui-ci. Elle craignit un instant de l’avoir perdue pendant sa course à vélo et puis elle en sortit une enveloppe blanche sur laquelle était écrit le nom de Le Bihan d’une manière hésitante.
— Elle m’a demandé de vous la remettre s’il devait lui arriver malheur. Alors, comme elle est morte, vous comprenez... Voilà pourquoi j’ai quitté mon pays pour venir vous trouver en ville. Je lui devais bien ça à notre bonne Léonie.
— Merci Jeanne, répondit Le Bihan en s’emparant de l’enveloppe. Vous avez été bien courageuse.
Jeanne se demanda s’il s’agissait du compliment qu’elle avait vraiment envie d’entendre de la part du jeune homme qui faisait battre son coeur aussi vite. Toutefois, elle fut obligée de s’en contenter, car Le Bihan était déjà occupé à lire la lettre contenue dans l’enveloppe.
« Cher Monsieur Le Bihan,
Pardonnez tout d’abord l’écriture hésitante d’une vieille femme dont les yeux l’ont trahie depuis longtemps. Votre visite m’a troublée. Elle m’a renvoyée à de lointains souvenirs et à des rencontres plus récentes. Si vous lisez ces lignes, c’est que je ne suis plus là pour vous en parler ou que les Boches ont mis la main sur un trésor que j’avais promis de conserver.
Il y a quelques mois de cela, un monsieur très bien de l’université de Norvège est venu me voir. Il faisait des recherches sur Rollon, son histoire et la religion. Il était très poli et parlait le français avec un drôle d’accent. Je crois l’avoir un peu aidé en lui parlant du pays. Un jour, j’ai reçu un avis me demandant d’aller chercher un colis à la poste. Il provenait de Norvège et avait été expédié par ce professeur qui s’appelait Haraldsen. Je suis allée chercher le colis qui consistait en un gros paquet de feuilles, je crois que c’est ce que les savants appellent un manuscrit. Le professeur avait terminé ses recherches et semblait effrayé par les découvertes qu’il avait faites...
Une amie (la vieille Hortense qui est morte à la fin de cet hiver) m’a aidée en lisant la lettre qui accompagnait le paquet. Il y expliquait qu’il avait choisi de rédiger une saga pour que les esprits sérieux ne prennent pas au pied de la lettre ses découvertes. Monsieur Haraldsen me demandait de cacher ses écrits dans un endroit où ils seraient en sécurité. C’est ce que j’ai fait, puis j’ai dissimulé le lieu de la cachette sous une dalle de la cuisine au cas où il m’arriverait malheur.
À présent, c’est à vous de retrouver le colis. Je l’ai dissimulé dans l’aître de Saint-Maclou. Derrière les crânes de la danse macabre.
Puissiez-vous arriver le premier pour vous emparer du secret. La mort m’a déliée de mon obligation de silence. Et je vous ai choisi pour porter ce secret. Même si je ne vous ai pas parlé longtemps, j’ai senti votre honnêteté dans votre voix et mon intuition ne m’a jamais trompée...
Bonne chance,
Léonie. »
Le Bihan plia rapidement la feuille et la remit dans l’enveloppe. Il se leva d’un bond et se mit à ouvrir les portes des armoires de la pièce. Il prit une boîte en fer-blanc où il rangeait la chicorée et cacha la lettre dedans.
— Jeanne, dit-il pendant qu’il refermait la boîte, je dois y aller tout de suite. Rentrez chez vous, cela peut devenir dangereux !
— Mais, balbutia Jeanne, je veux venir avec vous.
Le jeune homme posa ses mains sur les épaules de Jeanne et lui parla avec douceur.
— Ils sont prêts à tout, Jeanne ; je ne veux pas vous faire courir de risque. Regardez ce qu’ils ont fait à Léonie... Je vous promets que je vous tiendrai au courant.
À ce moment-là, la porte d’entrée de l’appartement s’ouvrit et se referma brutalement. Joséphine arriva dans la cuisine comme si elle avait été chez elle.
— Et alors, Pierre, dit-elle sur un ton nerveux. Tu comptais me faire attendre longtemps comme ça ? Nous devons y aller...
— Joséphine, dit Pierre. Je te présente Jeanne, une amie de Léonie. Nous devons changer nos plans. Je t’expliquerai en route, mais nous devons absolument partir maintenant. Il n’y a pas une seconde à perdre.
Il se retourna un instant pour s’adresser à sa visiteuse :
— Je suis désolé, Jeanne. Encore merci
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