Vikings
répondit-il sur un ton plus martial. Mais ce que je sais, c’est que vous devez me restituer l’aile du bâtiment que j’avais volontiers mis à votre disposition. Et ce, dès aujourd’hui !
— Mais, s’écria Storman qui était resté muet jusque-là, où allons-nous nous installer ? Et que faire de nos documents, de nos livres, de nos collections de photographies ?
— Nous avons renvoyé le concierge, répliqua von Bilnitz. Nous n’avons plus besoin d’étrangers ici, même ceux qui témoignent d’un zèle authentique pour la collaboration. Je vous cède donc avec plaisir ce que les Français appellent sa « loge ». Vous verrez, il s’agit d’un lieu très confortable et d’ailleurs, je me suis laissé dire que la SS était aguerrie aux conditions d’existence Spartiate.
Von Bilnitz raccompagna ses visiteurs hors de son bureau sans leur laisser le temps de répondre et encore moins de contester sa décision. L’opposition du militaire, malgré les tentatives d’approche de Prinz, avait quelque peu resserré les liens entre les deux membres de l’Ordre Noir.
— Au moins, commença Prinz, celui-ci ne prend même pas la peine de dissimuler son hostilité à notre égard.
— Vous avez vu ? répondit Storman content de trouver enfin un allié. Il se comporte de la sorte depuis mon arrivée en Normandie. Plus d’une fois, je me suis plaint de son comportement auprès du commandement, mais personne ne semble s’en préoccuper. Tous me répètent qu’il est un excellent militaire et que dans le contexte actuel, l’Allemagne a besoin d’hommes tels que lui.
— Storman, répondit l’autre avec une lueur de défi dans le regard. Nous sommes convaincus que l’issue de la guerre ne dépend pas de leurs armes. Nous sommes en train de changer le cours de l’Histoire car nous savons que c’est l’Histoire qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui.
Tout en parlant, les deux hommes s’étaient dirigés vers la loge du concierge. Ils poussèrent la porte vitrée et découvrirent une petite pièce à la décoration chargée. Il devait s’agir de l’unique lieu d’habitation puisque tout se trouvait concentré ici : petite cuisine, canapé, lit, table... Storman sourit en découvrant la photo du maréchal Pétain exposée quelques centimètres au-dessous de celle de la Vierge. Il songea que ce concierge devait avoir un sens aiguisé de la hiérarchie. Mais son sourire fut aussi bref qu’un rayon de soleil perçant subrepticement entre les nuages. Prinz qui avait remarqué son air maussade lui dit :
— Storman, je vous répète que je ne suis pas votre ennemi. Vous êtes jeune et vous avez déjà accompli un excellent travail dans cette difficile mission. Mais nous n’avons plus le temps de composer avec les sceptiques. Il faut agir et au plus vite...
— Je suis à votre disposition, répondit Storman, en sortant de sa mélancolie. Je regrette ma réaction imbécile en vous accueillant.
— N’en parlons plus, répondit Prinz avec entrain. Donnez-moi plutôt tous les noms et toutes les adresses des suspects d’appartenance à des réseaux terroristes. Nous avons du travail ! Ce petit malin de Le Bihan doit finir de nous narguer...
Soulagé, Storman salua le Sturmbannführer et alla chercher ce qu’il lui demandait.
Chapitre 37
I L AVAIT FALLU FAIRE VITE . Commencer par convaincre Joséphine, ce qui, il faut l’avouer, n’avait pas été le plus difficile. Ensuite, s’était posée la question de Marc et là, ce fut une autre affaire. Dans le réseau, il avait la lourde responsabilité de la fourniture des faux documents et il ne témoignait évidemment d’aucun enthousiasme à l’idée d’aider l’amant de son ex-fiancée à exaucer tous ses caprices.
Joséphine avait finalement imposé sa volonté face aux exigences à première vue complètement folles de Le Bihan. Et aussi incroyable que cela pouvait paraître, ils avaient trouvé une filière sûre pour les conduire à destination. Il s’agirait d’abord de prendre un bateau de pêche à Fécamp qui les mènerait jusqu’aux eaux territoriales belges. De là des compagnons belges et hollandais les mèneraient jusqu’au Danemark. Il ne leur resterait plus alors qu’à emprunter la voie maritime pour arriver en Norvège. L’expédition était hasardeuse, mais la décision fut rapidement prise. Et le grand soir arriva. Après une route sans encombre jusqu’à Fécamp, il restait à
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