Vikings
aller vers les runes et revenir vers l’alphabet latin par le jeu des ressemblances. Un procédé somme toute normal pour un descendant des Vikings habitué à dominer son double héritage. Et pour nous livrer la réponse, Odon a eu recours au fameux « baculum », le bâton qui fut son arme et qui nous renvoie à un autre mot. Regardez, il s’agit de « UVDAL »... Le lieu où doit se trouver l’Arme de Dieu de Rollon.
— Je n’ai rien compris, lâcha Joséphine, un peu vexée de ne plus suivre le raisonnement de son mentor.
— Cela te plairait de découvrir la Norvège ? sourit Le Bihan. Un long voyage nous attend.
Chapitre 36
V ON B ILNITZ n’en croyait pas ses yeux. Il lui avait déjà fallu supporter un représentant de l’Ordre Noir, et voilà qu’on lui en envoyait un deuxième. Tout cela alors que la situation militaire était préoccupante et qu’il fallait observer sans relâche les mouvements des troupes alliées. Il pesta en se disant que l’heure n’était plus aux fouilles archéologiques ni à la chasse aux chimères. Ce n’était pas le Reich qu’il voulait à tout prix défendre en se battant, c’était l’Allemagne charnelle, sa patrie dont le sang coulait dans ses veines.
— Messieurs, commença-t-il en laissant d’emblée transparaître l’exaspération dans le ton de sa voix, je vous ai convoqués pour vous informer que je ne pourrai plus laisser un aussi grand espace à votre disposition. La situation militaire m’impose des choix qui, au risque de heurter la sensibilité de la SS toute-puissante, me conduisent à donner la priorité à notre armée.
Loin de se démonter, le Sturmbannführer Rudolf Prinz lui répondit avec un grand sourire.
— Heureux de faire votre connaissance Standartenführer, répondit Prinz avec sympathie. En ma qualité de scientifique, j’ai déjà eu l’occasion de sillonner la région. Je me souviens surtout du sous-sol de l’hôtel du doyen où était conservée la tapisserie dans un coffre-fort. C’était un véritable bunker ! Et savez-vous pourquoi nos amis français attachent autant d’importance à ce long morceau de tissu ?
— Non, répondit von Bilnitz, qui n’avait pas envie de recevoir un cours d’histoire de l’art, mais ne pouvait faire autrement que constater la cordialité de son nouvel « invité ».
— Il y a certes sa grande valeur artistique, historique et économique, poursuivit le SS avec le même enthousiasme. Mais elle renferme d’autres secrets que certains ont tout intérêt à ne pas révéler. Nous avons passé deux mois dans cette ville et nous avons eu tout le loisir de nous en rendre compte...
— Vous pardonnerez mon insistance, interrompit le colonel, mais que me vaut le... plaisir de votre visite ?
— Pardonnez-moi, répondit Prinz, je me laisse parfois emporter par mon lyrisme. Vous êtes issu de cette vieille terre de Prusse très attachée à ses racines, vous devez avoir quelque indulgence pour ce type de travers... Dans le cadre de l’Ahnenerbe, nous avons mené des recherches très avancées sur la tapisserie de Bayeux, les plus avancées à ce jour. Nous l’avons entièrement photographiée, dessinée et décrite avec minutie. Il s’agissait d’un véritable travail de fourmi. Je ne vous cacherai pas que notre premier objectif était de nous en emparer, mais nous avons finalement cédé aux insistances de nos amis Français et nous l’avons laissée ici. En tout cas pour le moment... Ensuite, mes supérieurs m’ont envoyé sur le front de l’Est pour que je me charge des collections conservées en Russie. Mais je viens de faire l’objet d’une mission spéciale et très secrète. C’est pour cette raison que j’abuse de votre hospitalité. Nous devons réussir, car l’avenir de la guerre en dépend.
Von Bilnitz sentait qu’il arrivait au bout de sa patience. Dans un premier temps, il avait été touché par la politesse du nouveau venu, mais il ne supportait pas qu’il revînt, lui aussi, sur toutes ces fadaises mystiques. Il se retourna quelques instants, alla prendre une cigarette qu’il introduisit d’un geste machinal dans son fume-cigarette. Sans demander à ses invités s’il pouvait leur en offrir, il l’alluma et se retourna. Il aspira deux bouffées de fumée et puis planta son regard froid dans celui de son visiteur.
— Je doute que l’avenir de la guerre dépende des trésors artistiques de la Normandie, si exceptionnels soient-ils,
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