Vikings
crois que c’est un indice...
C’est cela, nous sommes face à une enquête et nous devons en démêler les fils pour parvenir à sa résolution.
— Ne démêle pas les fils de la tapisserie, plaisanta Joséphine, je crois que cela risquerait de ne pas plaire à Monsieur le conservateur.
Le fonctionnaire n’avait pas le coeur à sourire du bon mot. Il regardait nerveusement sa montre et commençait à transpirer.
— De grâce, finit-il par dire, faites vite. Si l’on devait s’apercevoir de la disparition de la tapisserie, ce serait terrible !
— Ce sont des indices... continuait Le Bihan qui ne quittait pas son univers. Comme si quelqu’un avait quelque chose à nous dire. Mais qui pourrait bien avoir quelque chose à nous dire ?
Cela ne peut pas être Rollon, il n’apparaît pas dans cette histoire. S’agirait-il du duc Guillaume ou alors d’Odon, le demi-frère du Conquérant, l’homme qui a commandé la broderie ? Odon et Guillaume ont été en conflit après la conquête de l’Angleterre. La brouille fut telle que Guillaume finit par faire emprisonner Odon. Les mêmes histoires reviennent toujours : trahison, parjure...
Le Bihan poursuivit son examen et déroulant lentement la bande de tissu.
— Regardez, sur la broderie : le personnage d’Odon est nommé deux fois et il apparaît physiquement à deux autres reprises... Ici par exemple, « ET HIC EPISCOPUS CIBU ET POTU BENEDICIT. ODO EPS WILLELM ROTBERT »... « POTU » est écrit pour le mot « POTUM » et l’abréviation « EPS » pour le mot « EPISCOPUS », l’évêque en français. La scène a trait à la bénédiction de la nourriture.
Joséphine reprit espoir tandis que Marc et le conservateur s’approchèrent de la tapisserie.
— Tu as trouvé quelque chose ? s’enquit Joséphine dont la voix tremblait un peu sous l’effet de l’anxiété.
— Regarde ici... Sur cette deuxième scène apparaissent Odon et ces mots : « HIC ODO EPS BACULU TENENS CONFORTAT PUEROS ». À nouveau le « EPS » signifie « EPISCOPUS » et cette fois « BACULU » signifie « BACULUM », autrement dit le bâton. Voilà qui est très intéressant...
— Pourquoi ? demanda Joséphine de plus en plus impatiente.
— Observe bien Odon... poursuivit Le Bihan. Il tient un bâton en main. Il n’y a rien de plus normal à cela. En sa qualité d’ecclésiastique, il ne peut porter d’épée, car il lui est interdit de faire couler le sang. Or, il combat Harold, le parjure, l’homme qui a trahi Guillaume. Tout comme Rollon a trahi ses anciens dieux pour embrasser la foi chrétienne. Et par-delà les siècles, il nous envoie un message.
Le Bihan sortit la feuille sur laquelle il avait recopié les cinq lettres de l’abécédaire de l’évangéliaire des runes : L-A-U-C-B. Il aligna soigneusement les lettres dans l’ordre qu’il avait vu sur la tapisserie : « BACUL » et dessina à côté les cinq runes correspondant. Petit à petit, un nouveau et étrange mot apparut comme par enchantement :Ur, la rune de la maturité ―Ken, la rune de la création ―Thorn, la rune de protection ―Ing, la rune de la fertilité et enfinTyr, la rune du pouvoir.
— C’est formidable, s’exclama Le Bihan dont les yeux pétillaient de joie. Regarde, c’est Odon qui nous parle et près d’un millénaire plus tard, son message nous arrive enfin.
— D’accord, trancha Marc toujours aussi agacé, mais il nous raconte quoi, ton Godon ?
— Odon ! coupa Le Bihan comme si l’on venait de manquer de respect à une vieille connaissance. Notre ami Odon nous donne la clé de l’énigme, pour reprendre l’expression de Joséphine. Il nous guide sur la bonne voie. Il ne nous reste qu’à suivre sa route pour retrouver Rollon ou peut-être devrais-je dire Hròlfr le Marcheur. Regardez, si nous procédons comme pour la date, ces runes reproduisent également de façon schématique des lettres latines. Il s’agit de voir à quoi elles ressemblent et de les remettre dans la bonne position ; certaines sont penchées ou même renversées. Merci Joséphine pour ton coup de main, car c’est notre apprentie épigraphiste qui a trouvé ça !
La jeune femme n’était pas peu fière du compliment. Elle répondit par un petit sourire faussement gêné.
— Odon a bien fait les choses, poursuivit Le Bihan. Il a créé une double équivalence. Pour comprendre son message, il fallait passer des lettres de notre alphabet pour
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