Voyage de J. Cartier au Canada
et celuy qui luy avoit faict desplaisir, ce que ne feist : Ains fut deux jours sans venir, pendant lequel temps ne veint personne es navires dudict Stadacone comme avoient de coustume, mais nous fuyoient comme si les eussions voulu tuer. Lors apperceusmes leur mauvaistié, Et parce qu'ilz furent advertiz que ceulx de Sicadin alloient et venoient entour nous, et que leur avions habandonné le fond du navire que laissions pour avoir les viel cloud, vindrent dudict Stadaconé le tiers jour ensuyvant de l'autre bort de la riviere, et passerent la plus grand partie d'eulx en petis basteaulx sans difficulté : mais ledict Donnacona n'y voulut passer. Et furent Taignoagny et Dom Agaya plus d'une heure à parlementer ensemble, avant que vouloir passer. En fin ilz passerent et vindrent parler audict cappitaine, et pria ledict Taignoagny ledict cappitaine vouloir prendre et emmener ledict homme en France. Ce que reffusa ledict cappitaine : disant que le Roy son maistre luy avoit deffendu de non emmener homme ni femme en France : mais bien deux ou trois petis enfans pour apprendre le langaige, mais que voluntiers l'emmeneroit en terre neufve, et qu'il le mettroit en une ysle. Ces parolles disoit ledict cappitaine pour les asseurer, et acelle fin d'amener ledict seigneur Donnacona, lequel estoit demeuré dela l'eaue desquelles parolles fut fort joyeulx ledict Taignoagny, esperant ne retourner jamais en France, et promist audict cappitaine de retourner le lendemain qui estoit le jour saincte Croix, et admener ledict seigneur Donnacona et tout le peuple dudict lieu.
Comment le jour saincte Croix, le cappitaine feist planter une croix dedans nostre fort, et comment ledict seigneur Donnacona, Taignoagny, Dom Agaya et leur bende vindrent, et de la prinse dudict seigneur.
Le troisiesme jour de May, jour et feste saincte Croix, pour la solempnité de la feste : le cappitaine feist planter une belle croix de la haulteur d'environ trente cinq piedz, soubz le croisillon de laquelle y avoit ung escusson en bosse des armes de France : et sur icelluy estoit escript en lettre attique Franciscus primus Dei gratia Francorum rex regnat. Et celluy jour environ mydi vindrent plusieurs gens de Stadacone, tant hommes, femmes, que enfans, qui nous dirent que leur seigneur Donnacona, Taignoagny, Dom Agaya et aultres qui estoient en sa compaignie venoient, dequoy feusmes joyeulx, esperant nous en saisir : lesquelz vindrent environ deux heures apres mydi. Et lors qu'ilz furent arrivez devant noz navires, nostre cappitaine alla saluer ledict seigneur Donnacona, le quel pareillement luy feist grande chere, mais avoit tousjours l'oeil au boys, et une craincte merveilleuse. Tost apres arriva Taignoagny, lequel deist audict seigneur Donnacona, qu'il n'entrast point dedans le fort. Lors fut par l'ung de leurs gens, apporté du feu hors du fort, et allumé par ledict seigneur. Nostre cappitaine le pria de venir boyre et manger dedans les navires, comme avoit de coustume. Et semblablement en prya ledict Taignoagny, lequel dist que tantost il entreroit : Ce qu'ilz feirent et entrerent dedans ledict fort : Mais au paravant avoit esté notre cappitaine adverty par Dom Agaya, que ledict Taignoagny avoit mal parlé et qu'il avoit dict au seigneur Donnacona qu'il n'entrast point dedans les navires. Notre dict cappitaine voyant ce, sortist hors du parc ou il estoit, et veit que les femmes s'en fuyoient par l'advertissement dudict Taignoagny : et qu'il ne demouroit que les hommes : les quelz estoient en grand nombre. Et lors commanda ledict cappitaine à ses gens prendre ledict seigneur Donnacona, Taignoagny, Dom Agaya, et de deux autres des principaulx qu'il monstra, puis que on feist retirer les autres.
Tost apres ledict seigneur entra dedans le fort avec le dict cappitaine : mais tout soudain ledict Taignoagny veint pour le faire sortir. Nostre cappitaine voyant qu'il n'y avoit autre ordre, se print à cryer que on les print : Auquel cry sortirent les gens dudict cappitaine : lesquelz prinsdrent ledict seigneur et ceulx que l'on avoit desliberé prendre. Lesdictz Canadians voyant la prinse, commencerent à fuyr et courir, comme brebis devant le loup : les ungs le travers la rivière, les autres parmy le boys serchant chascun son advantage. Ladicte prinse faicte des dessusdictz et que les autres se furent retirez, furent mys en seure garde.
Comment les Canadians vindrent la nuict devant les navires, sercher leurs gens : durant laquelle ilz hurloyent
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