Voyage de J. Cartier au Canada
sans retourner. Au moyen dequoy eusmes suspicion qu'ilz ne feussent aller amasser grand nombre de gens pour nous faire desplaisir, parce qu'ilz nous veoient si affoibliz, nonobstant que avions mys si bon ordre à nostre faict, que si toute la puissance de leur terre y eust esté, ilz eussent sceu faire autre chose que nous regarder. Et pendent le temps qu'ilz estoient dehors, venoient tous les jours force gens a noz navires, comme ilz avoyent de coustume, nous apportant de la chair fresche de Cerfz et Dains, poissons fraiz de toutes sortes :
Lesquelz ilz nous vendoient fort cher, ou autrement myeulx aymoient l'emporter, parce qu'ilz avoyent necessité de vivres pour lors, a cause de l'yver qui avoit esté long.
Comment Donnacona revint à Stadacone avec grand nombre de gens et feist ledict Donnacona du malade de peur de venir veoir le cappitaine, cuydant que ledict cappitaine allast vers luy.
Le vingt et ungiesme jour dudict moys d'Avril, Dom Agaya vint à bort accompagné de plusieurs gens lesquelz estoient beaulx et puissans. Et n'avions accoustumé de les veoir : lesquelz dient que le seigneur Donnacona feroit le lendemain venu : et qu'il apporteroit force cher de cerfz et autre venaison. Et le lendemain vingt deuxisme jour dudict moys, vint le dict Donnacona, lequel admena en sa compaignie grand nombre de gens audict Stadacone, ne scavions à quelle occasion, n'y pourquoy : mais on dict à ung proverbe, qui de tout se garde de aucuns eschappe. Ce que nous estoit de necessité ; Car nous estions si affoibliz tant de maladie que de gens mors, qu'il nous a fallu laisser ung de noz navires audict lieu de saincte Croix. Le cappitaine estant adverty de leur venue, et qu'ilz avoient admené tant de gens : et aussy que Dom Agaya le vint dire au cappitaine, sans vouloir passer la riviere qui seroit entre nous et ledict stadaconé : ains feist difficulté de passer, Ce que n'avoit acoustumé de faire, qui nous donna doubte de trahison. Voyant ce, le cappitaine envoya son serviteur accompaigné de Jehan poullet, lesquelz estoient plus que nulz aultres aymez dudict peuple du pais, pour veoir que estoit audict lieu,et qu'ilz faisoient, faignans les dictz poullet et serviteur estre aller veoir ledict Donnacona, parce qu'ilz avoient esté longuement avec luy à leur ville lesquelz luy porterent aucun petit present.
Et lors que ledict Donnacona fut adverty de leur venue, feist le malade et se couche : Apres allerent en la maison de Taignoagny pour le veoir, ou par tout trouverent les maisons si plaines de gens, que on si povoit remuer : lesquelz on n'avoit accoustumé de veoir, et ne voulut permettre ledict Taignoagny que ledict serviteur allast es aultres maisons ; ains les convoya vers les navires la moytié du chemin, et leur dict que si le cappitaine luy vouloit faire ce plaisir de prendre ung seigneur du pays nommé Agouanna, lequel luy avoit faict desplaisir, et l'emmener en France qu'il seroit tenu à luy : Et feroit tout ce que vouldroit ledit cappitaine, et que ledict serviteur retournast le lendemain dire la responce.
Quand le cappitaine fut adverty du grand nombre de gens qui estoyent audict lieu, ne scavoit à quelle fin, se deslibera leur jouer finesse. Et prendre leur seigneur Taignoagny, Dom Agaya et des principaulx. Aussi qu'il estoit bien desliberé de mener le dict seigneur en France pour compter et dire au Roy ce qu'il avoit veu es pais Accidentaulx, des merveilles du monde. Car il nous a certiffié avoir esté à la terre de Saguenay, en laquelle y a infini or, rubis et aultres richesses. Et y sont les hommes blancs comme en France et accoutrez de dras de laynes. Plus dict avoir veu autre pays, ou les gens ne mengent poinct et ne ont point de fondement, et ne digerent point ains font seulement eaue par la verge. Plus dict avoir esté en autre pais de Picquemyans et autres pais, ou les gens n'ont que une jambe. Et autres merveilles longues à racompter. Ledict seigneur est homme ancien, et ne cessa jamais d'aller par pais, depuis sa congnoissance, tant par fleuves, rivieres que par terre.
Apres que lesdictz Poullet et serviteur eurent fait leur message, et dist au cappitaine ce que ledict Taignoagny lui mandoit, renvoya ledict cappitaine son dict serviteur le lendemain dire audict Taignoagny qu'il le vint veoir, et luy dire ce qu'il vouloit, et qu'il lui feroit bonne chere et partie de son vouloir.
Ledict Taignoagny luy manda qu'il viendroit le lendemain, et qu'il admeneroit le seigneur Donnacona
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