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Will

Will

Titel: Will Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen R. Lawhead
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dans
son encrier.
    « Odo, espèce d’âne bâté ! Réveille-toi ! Tu
t’es encore assoupi. Veux-tu bien te concentrer un peu sur les dernières
paroles d’un condamné ? Dresse l’oreille, prêtre. Taille ta plume et
dis-moi ce que tu te rappelles en dernier.
    — Pardon, Will. » Il est toujours tellement
désolé, lorsqu’il doit frotter ses yeux bruns rêveurs pour en extraire le
sommeil. Et il doit l’être plus encore – pas pour Will – pour
lui-même et les balourds ennuyeux de son espèce.
    « Ne sois jamais désolé pour Will, mon gars. Will n’est
jamais désolé pour rien. »
    Frère Odo est mon scribe, assez honnête pour un Normand
malgré ses minauderies et ses mains moites. Il ne souhaite pas mon malheur. Je
crois qu’il ne sait même pas pourquoi on l’a envoyé ici parmi les gibiers de
potence écouter les divagations d’un dangereux hors-la-loi comme moi. Pourquoi
le devrait-il ?
    L’abbé Hugo est derrière tout ce petit manège, celui de
mettre par écrit chacun de mes faits et gestes. Dans quel but ? C’est
aussi évident que la lumière du jour à Dunholme : il est prêt à tout
essayer, même l’invocation magique, pour attraper le Roi Corbeau. Il s’imagine
le fait de dépérir en prison sous la menace de la corde comme un sortilège qui
me dégrisera suffisamment pour faire pousser dans ma bouche une langue de
vérité, une langue qui se mettra à chanter comme un oiseau en mal de liberté.
    Alors je chante, je n’arrête pas de chanter, histoire
d’empêcher encore quelque temps la Faucheuse de s’approcher trop près de moi.
Notre malhonnête abbé va peut-être tirer parti de certaines de mes
informations, mais il regrettera plus encore de les avoir entendues. Il en
apprendra à propos de ce mystérieux fantôme forestier, à n’en point douter.
Mais de tout ce qu’il aura de moi, il ne pourra rien découvrir qui puisse
l’aider à attraper davantage qu’un éphémère. Je ne lui donnerai pas la clé pour
faire tomber le Roi Corbeau.
    « Et maintenant, lui dis-je, récupère ta plume, frère
Odo, et reprenons. Quelle est la dernière chose dont tu te
souviennes ? »
    Odo consulte un moment ses pattes de mouche, gratte son
crâne rasé et me dit : « Quand les terres du thane Aelred lui
ont été confisquées lors de l’insurrection, j’ai été privé de mes propres
ressources…»
    Odo parle anglais avec l’étrange accent monotone des
étrangers francs. Qu’il parle anglais est déjà un miracle en soi, je
suppose – c’est certainement la raison pour laquelle Hugo l’a choisi. Ce
pauvre Odo est un patapouf grassouillet assez jeune, fervent croyant et fervent
pratiquant, mais d’une pâleur à faire peur et toujours prêt à me fausser
compagnie, en prétextant quelque crampe, un coup de froid ou de la fatigue. Il
est toujours fatigué, pour des raisons qui me semblent tout sauf bonnes.
Il se comporte comme si faire courir une plume pleine d’encre sur un parchemin
fraîchement poncé était une tâche aussi intense que de porter sur son dos la
carcasse d’une biche grasse à travers les bois avec les hommes du shérif à vos
trousses.
    Que tous les saints me soient témoins ! Si tenir une
plume coûte autant à un homme qu’Odo l’affirme, nous devrions honorer ceux qui
manient une plume comme des héros, amen.
    M’est avis qu’à moins qu’il ne lui pousse une nouvelle
colonne vertébrale, sous peu frère Odo ne sera plus qu’un de ces plumitifs à
l’œil morne occupés à pencher leur long nez français sur les pures imbécillités
que leur main a commises. Par le pouce de Cuthbert le Béni, je jure que je
préférerais finir mes jours dans la fosse du baron de Braose plutôt que de
contempler l’éternité avec une pareille souillure à mon âme.
    Peut-être, me dis-je, que dans les sombres desseins de Dieu,
votre serviteur Will a pour mission d’apprendre de meilleures leçons à ce jeune
indolent. Eh bien soit, nous ferons ce que nous pourrons pour le sauver.
     
    « Quand les terres du thane Aelred lui ont été
confisquées lors de l’insurrection, j’ai été privé de mes propres ressources,
et c’est comme si on m’avait condamné à mort tellement il m’en restait peu…»
    Voilà ce que je lui dis, me répétant pour gagner un peu de
temps tandis que je jette mes filets dans le courant du passé pour attraper un
autre brillant souvenir à l’attention du festin de notre fier abbé. Qu’il
s’étouffe

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