1941-Le monde prend feu
peut être perdue sur
mer.
Le document Battle of the Atlantic Directive est
achevé le 6 mars 1941.
Désormais, les sous-marins de l’amiral Dönitz, les cuirassés
et les croiseurs de l’amiral Raeder (le Bismarck , le Tirpitz, le Scharnhorst, le Gneisenau) vont être les uns et les autres traqués, refoulés.
Churchill, Premier Ministre, mais ancien Premier lord de l’Amirauté,
y veillera chaque jour.
La bataille de l’Atlantique doit être gagnée comme l’a été
la bataille d’Angleterre.
C’est une guerre sans haine que mène Churchill. Il n’en
abandonne jamais la direction. Il dicte jusqu’à l’aube. Il reçoit des visiteurs,
lit des rapports toute la nuit.
Il est soit à Downing Street, soit dans les appartements et
les bureaux souterrains qui ont été aménagés à Storey’s Gate. Il passe les
week-ends non plus dans sa propriété de Chartwell mais aux Chequers.
Il arrive le vendredi dans cette résidence du Premier
Ministre avec une vingtaine de personnes – secrétaires, valet, chauffeurs,
policiers, projectionnistes, assistants, membres de son cabinet, visiteurs.
Il épuise à la tâche son entourage. Il fume ses énormes
cigares, il boit, infatigable.
Churchill se meut, à l’aise, avec une sorte de jubilation
intellectuelle, dans cette guerre qui chaque jour gagne de nouveaux espaces.
Cyrénaïque, Libye, déserts, Égypte, Érythrée, Somalie, Éthiopie,
et bientôt les Balkans, la Grèce, la Crète : tous ces lieux parlent à sa
mémoire d’homme de culture classique, pour qui la Méditerranée a été – est
encore – le centre de la civilisation.
Le 5 janvier 1941, il célèbre la victoire des troupes
du général Wavell, qui viennent de mettre en déroute l’armée italienne en s’emparant
de Bardia.
Il ordonne qu’on chasse les Italiens de toute la Cyrénaïque,
qu’on encercle et prenne Tobrouk, puis il change d’avis, craignant une
intervention allemande en Grèce au secours des troupes italiennes menacées.
Il explique à Wavell que « le soutien à la Grèce doit
désormais avoir priorité sur toutes les opérations au Moyen-Orient ».
Les généraux anglais chancellent sous ce déluge d’ordres et
de contrordres, de questions.
« Churchill nous bombarde de mémorandums sur tous les
sujets imaginables, petits ou grands, et nous perdons beaucoup de temps pour y
répondre », commente le général Kennedy, directeur des Services des
opérations militaires et de la planification.
« Ces réunions, ces midnight follies, se
tiennent vers 21 h 30 et les séances se prolongent jusqu’à 3 heures
du matin.
« L’imagination stratégique de Churchill est
inépuisable et beaucoup de ses idées nous paraissent aussi farfelues qu’inexécutables… »
Mais c’est lui qui a décidé, dès le mois d’août 1940, d’envoyer
les meilleures unités blindées d’Angleterre en Égypte, persuadé que Hitler ne
tenterait pas de débarquer en Grande-Bretagne.
C’est lui qui, dans la nuit du 11 au 12 novembre 1940, a
fait bombarder à la torpille par des biplans la base de Tarente, où s’était
réfugiée la flotte italienne.
C’est lui qui, à la fin mars 1941, ordonne à la Royal Navy d’attaquer
au large du cap Matapan la flotte italienne, remportant la plus grande bataille
navale de la guerre en Méditerranée.
Et c’est lui qui transforme ces deux verrous – Gibraltar
et Malte – en forteresses inexpugnables.
Après les réunions, aux Chequers ou au 10, Downing
Street, Churchill se laisse aller, les yeux mi-clos, le visage enveloppé par la
fumée de son cigare.
Il soliloque pendant les repas.
« Je ne déteste personne et je ne crois pas avoir d’ennemis,
à part les Boches, et encore c’est professionnel ! » dit-il.
Il se moque de ces généraux italiens qui doivent être de « bons
coureurs ».
Il cite le message envoyé par le général Graziani le 8 février
au Duce, et décrypté par les services de renseignements anglais :
« Duce, les derniers événements ont fortement déprimé
mes nerfs au point de m’empêcher d’assumer le commandement dans la plénitude de
mes facultés. Je vous demande donc mon rappel et mon remplacement. »
Le général Wavell fera cent trente mille prisonniers
italiens en janvier-février 1941, à Bardia, Tobrouk, Derna et Benghazi.
« Après la guerre, reprend Churchill, il faudra mettre
un terme à toute effusion de sang, même si
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