1941-Le monde prend feu
j’aimerais voir Mussolini, ce pâle
imitateur de la Rome ancienne, étranglé comme Vercingétorix dans la meilleure
tradition romaine. Quant à Hitler et aux chefs nazis, je les exilerai dans une
île quelconque mais pas question de profaner Sainte-Hélène ! »
En fait, ces moments où Churchill s’abandonne à de libres
propos lui permettent d’affronter une situation qui, dans les trois premiers
mois de 1941, reste périlleuse. Car l’Angleterre est encore seule comme nation
face à l’Empire nazi qui contrôle une bonne partie de l’Europe continentale et
dont les troupes s’apprêtent à déferler dans les Balkans, en Grèce, en
Cyrénaïque.
Churchill à chaque instant doit analyser, trancher, choisir
entre des priorités :
« Aucun de nos problèmes, dira-t-il, ne pouvait être
résolu indépendamment des autres. Ce que l’on affectait à un théâtre d’opérations
devait être soustrait à un autre ; ouvrir un front quelque part c’était s’exposer
à un risque ailleurs ; nos ressources matérielles étaient strictement
limitées, et l’attitude d’une douzaine de puissances amicales, opportunistes ou
potentiellement hostiles, était imprévisible. En métropole, nous devions faire
face au péril sous-marin, à la menace d’invasion et à la poursuite du Blitz ;
il nous fallait aussi conduire une série de campagnes au Moyen-Orient, et enfin
constituer un front contre l’Allemagne dans les Balkans. »
Churchill estime que seules l’aide puis l’entrée en guerre
des États-Unis lui permettront de desserrer l’étau nazi.
Il doit donc faire pression sur le président Roosevelt, sur
l’opinion américaine, enrôler dans cette campagne de « propagande »
Graham Greene, Alfred Hitchcock et le philosophe Isaiah Berlin, invités à
donner des conférences, à publier des articles, à affirmer l’« unité des
peuples de langue anglaise ».
Puisque le roi George VI est populaire aux États-Unis, Churchill
demande à ce que l’on utilise le bombardement du palais de Buckingham par la
Luftwaffe pour mobiliser l’opinion américaine.
« Comprenez, dit Churchill à de Gaulle, que le
bombardement d’Oxford, de Coventry, de Canterbury, provoquera aux États-Unis
une telle vague d’indignation qu’ils entreront dans la guerre. »
Illusion, Roosevelt tient compte de l’état de l’opinion, décidée
à rester hors du conflit.
Le président agit donc avec prudence, décidé à aider l’Angleterre
sans s’engager directement dans la guerre.
Churchill lui adresse lettre sur lettre.
Le 7 décembre 1940, il dicte au cours de deux nuits une
longue missive dont l’argumentation, le ton résolu mais aussi pathétique
doivent bouleverser Roosevelt, lui expliquer en détail ce que l’Angleterre
attend des États-Unis. Des armes, des tanks, des navires, deux mille avions
supplémentaires chaque mois.
Car il y a communauté d’intérêts entre l’Angleterre et les
États-Unis.
« Soyez assurés que nous sommes prêts aux souffrances
et aux sacrifices ultimes dans l’intérêt de la Cause et que nous nous faisons
gloire d’en être les champions, écrit Churchill.
« Si comme je le pense, vous êtes convaincu, monsieur
le Président, que la défaite de la tyrannie nazie et fasciste est une affaire
suprêmement importante pour les États-Unis et l’hémisphère occidental, vous
voudrez bien considérer cette lettre non comme un appel à l’aide mais comme l’énoncé
des mesures minimales nécessaires à l’accomplissement de notre tâche commune. »
Roosevelt est touché, se tourne vers l’opinion publique, affirmant
dans de nombreuses interventions que le meilleur moyen pour les États-Unis de
ne pas entrer en guerre, c’est d’aider « les nations qui résistent aux
attaques de l’Axe plutôt que d’accepter leur défaite ».
Le 5 janvier 1941, il désigne un ambassadeur auprès du…
maréchal Pétain. Ce sera l’amiral Leahy, dont la mission est de conforter le
gouvernement de Vichy, afin qu’il reste hors du conflit.
Le 6 janvier, il envoie à Londres l’un de ses plus
proches conseillers, Harry Hopkins, chargé d’évaluer les besoins anglais et de
mesurer la capacité de Churchill à résister à l’Allemagne.
Harry Hopkins est entraîné par l’énergique tourbillon que
provoque Churchill. Il est séduit, admiratif, convaincu qu’il faut aider l’Angleterre,
lui fournir des destroyers, des
Weitere Kostenlose Bücher